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une guerre avec le Maroc. Vers quelque point du monde que le regard se dirige, il trouve des changemens, les uns à peine entrevus, d’autres irrévocablement accomplis. Ne parlons pas même, si l’on veut, des événemens qui sont la partie dramatique et presque romanesque de l’histoire. Comment tous ces pays sont-ils organisés ? Quels sont leurs moyens d’action et leurs ressources ? Où est le rapport entre leurs institutions et les tendances de leur politique extérieure ? Ce sont là les élémens sérieux, positifs, de cette vaste enquête qui embrasse à la fois les deux hémisphères.

Un des épisodes les plus curieux vraiment dans cette universelle histoire est ce qui se passe tous les jours dans le Nouveau-Monde, aux États-Unis d’abord sans doute, et aussi dans cette partie de l’Amérique où la race espagnole est restée maîtresse et dominatrice. Là également et plus qu’en toute autre région est le doute, le problème. Il s’agit de savoir comment la civilisation prendra racine sur ce sol tourmenté, si la race hispano-américaine, par son travail et par son industrie, est apte à rester la souveraine de cet immense continent qu’elle occupe, ou si elle est définitivement et incurablement condamnée à tourner dans un cercle d’agitations stériles et sans grandeur, en attendant que d’autres viennent suppléer à son incapacité. Voici en effet des populations émancipées depuis cinquante ans et peu nombreuses encore, répandues dans des contrées sans limites. Leur première pensée devait être de fonder leur indépendance et leur nationalité sur des bases solides et durables, en consacrant tous leurs efforts à régulariser leur vie, à développer leurs forces naturelles ; elles se créent au contraire une existence factice, sans sécurité et sans profit. Elles devraient sentir le prix de l’union, de la cohésion ; elles se divisent, elles se morcellent. Dans un même pays, il y a des provinces, des villes toujours en guerre. Un trait distinctif de ces quinze républiques hispano-américaines, c’est l’identité de toutes les questions de civilisation morale et matérielle. Des circonstances locales peuvent donner un caractère particulier à l’existence de chacun de ces états. Ces différences, plus accidentelles que profondes, tiennent à la position géographique, à l’action plus ou moins violente de certaines influences, à des combinaisons d’intérêts ou de passions qui se compliquent indéfiniment, sans perdre le caractère primitif d’une origine commune.

Si l’on veut se rendre un compte exact de l’état de ces contrées, il faut s’arrêter peu à ces apparences aussi bien qu’aux noms dont se décorent les partis, acharnés à se disputer un pouvoir chimérique sous des drapeaux divers. Que selon les pays les partis s’appellent libéraux et conservateurs, ou radicaux et oligarques, ou fédéralistes et unitaires, ces classifications n’ont qu’un rapport lointain avec le sens attaché à ces mots de la langue politique. Ce ne sont pas des