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à fait compromis. L’artillerie seule soutenait intrépidement le combat, mais elle avait beaucoup souffert, et la vivacité de son feu diminuait, quand apparurent enfin les têtes de colonne du deuxième corps. À mesure qu’elles arrivaient sur la ligne dominante du terrain où l’action se trouvait engagée, le mouchir leur faisait prendre l’offensive, en s’efforçant toujours de prolonger la droite des Russes. Il avait en première et deuxième ligne quatorze bataillons, quatre batteries d’artillerie sur son front. Sa cavalerie, composée de douze escadrons et de 3,500 bachi-bozouks, précédait son extrême gauche. Neuf bataillons, quatorze escadrons, trois batteries d’artillerie formaient sa réserve. Les troupes du mouchir gagnèrent rapidement du terrain : elles menaçaient même de tourner complètement l’armée russe, qui, fort inférieure en nombre, avait dû engager ses dernières réserves ; mais en ce moment les bachi-bozouks, écrasés par le feu de l’artillerie russe, prirent la fuite. Il fallut les remplacer au moyen des réserves d’infanterie que le mouchir appela à lui ; tout le deuxième corps fut ainsi entraîné à descendre la pente, et, faute de précision dans les mouvemens, la ligne de l’armée turque se trouva disjointe. Les Russes, profitant de cette trouée, allaient percer le centre, quand le général Guyon, apercevant le danger, amena sur ce point les trois batteries de la réserve. Il arrêta le mouvement d’attaque par le feu de son artillerie. Formant alors en colonne les quatorze escadrons qui lui restaient, il les lança sur les Russes. Lui-même chargea des premiers. Malheureusement toute cette cavalerie, une fois arrivée au milieu du feu, tourna bride et s’enfuit au loin, sans qu’il fût possible de la rallier. Au même moment, le corps tout entier de Kérim-Pacha, saisi d’une terreur panique, se débanda. Cette panique était causée par l’apparition inattendue des Russes sur les derrières de l’armée turque. En effet, tandis que ce combat se livrait dans la plaine, un détachement de l’armée ennemie avait gravi les hauteurs du Kara-Iel et en avait délogé le corps d’Abderrhaman-Pacha. Redescendant la pente opposée, ce détachement s’était hardiment jeté sur le flanc des Turcs. Les réserves avaient à l’instant pris la fuite ; une grande partie de la deuxième ligne s’était laissé entraîner par l’exemple de la réserve, et la première ligne, se voyant ainsi abandonnée, avait succombé sous une charge générale des dragons russes.

Délivré de toute appréhension de ce côté, le général Béboutof tourna tous ses efforts contre les troupes du mouchir, qui se trouvèrent alors dans la situation la plus critique. Il ne leur restait plus qu’à regagner au plus vite la position dominante qu’elles avaient quittée. Chargées par la cavalerie russe, elles durent se former en carrés. Deux de ces carrés sur cinq furent enfoncés et sabrés ; les autres regagnèrent à grand’peine le sommet du plateau. À la vue de