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que couvre le château d’Achalchalaki. Ce château, en mauvais état, n’était gardé que par trois bataillons. Le général Bystrzonowski proposait en conséquence de se porter rapidement sur ce point, d’enlever la garnison et de descendre ensuite en Géorgie par ce défilé, qui présente sans doute quelques difficultés, mais n’est pas absolument impraticable pour une armée. Une fois en Géorgie, les Turcs se seraient dirigés sur le col de Souram, et auraient fait leur jonction avec le corps d’armée de Sélim-Pacha, qui de Bathoum serait venu les rejoindre par Koutaïs. Ainsi assurés de leurs communications avec la Mer-Noire, les Turcs pouvaient alors marcher sur Tiflis, recueillir en route les Circassiens et porter un coup mortel à la puissance russe en Asie. Ce plan, que devait adopter l’année suivante Omer-Pacha, était ingénieux ; mais avec des troupes aussi mal disciplinées que celles du mouchir, il faisait une part excessive au hasard.


III

Sur ces entrefaites, les coureurs de l’armée vinrent annoncer que les Russes, sortis de Goumry, s’avançaient, dans la plaine de Kars, et qu’un détachement de la garnison d’Achaltziche menaçait en même temps Ardahan, où se trouvait la division de Kérim-Pacha, formant l’aile gauche. À cette nouvelle, le mouchir avait envoyé en toute hâte des renforts à Kérim-Pacha, et s’était porté de sa personne au-devant des Russes. Les deux armées s’observèrent ainsi pendant quelques jours sans en venir aux mains, puis les Russes rentrèrent dans leurs positions sans qu’il fût possible de deviner le motif de leurs mouvemens. « On apprit seulement, quelques jours après, que Sélim-Pacha avait été complètement défait dans l’intervalle. En effet, le ferik avait eu la malencontreuse idée de s’avancer dans le Gouriel jusqu’à Ouzourghetti. Les Russes, qui se tenaient généralement sur la défensive, avaient cette fois marché sur lui et l’avaient poursuivi jusqu’au-delà du Tcholok. Sélim-Pacha avait pris position derrière cette rivière, entre Kakouthi et Dschandjour. Brusquement attaqués, les Turcs avaient pris la fuite, abandonnant, comme d’habitude, aux mains de l’ennemi leur artillerie et leurs bagages.

Le malheur de Sélim-Pacha avait fait faire de sérieuses réflexions au mouchir. Guéri par ce triste exemple de sa passion naissante pour la guerre, il avait ramené son armée à Kars et s’y tenait immobile. Dans cette situation, son flanc gauche se trouvait couvert par la division de Kérim-Pacha, qu’il avait laissée à Ardahan, son flanc droit par un détachement destiné, sous les ordres d’un autre Sélim-