Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à son filleul, tu es donc toujours fou ? Toi épouser Tonine ? à présent ? toi, toi ?

— Mon Dieu ! reprit Sept-Épées cherchant des yeux Tonine, qui avait disparu, est-ce que vous voudriez y mettre empêchement ? Et pour quelle raison ?

— Tu le demandes ? tu plaisantes, je crois ! Voyons, j’en ai assez, moi, de la plaisanterie ! Veux-tu, pour commencer, te rendre ridicule, et moi par contre ? Parlons d’autre chose, je te prie. Raconte-nous un peu…

— Il vous racontera tout ce que vous voudrez, répondit Lise, qui venait de rentrer dans la forge ; mais il faut d’abord songer à la faim qu’il doit avoir, ce voyageur ! La demoiselle vous invite à dîner avec lui et nous, entendez-vous, parrain ? Allez vous habiller ; moi, j’emmène Sept-Épées chez nous, pour qu’il fasse aussi un peu de toilette. Il n’est que temps, il s’en va trois heures ! Sept-Épées suivit machinalement la Lise dans un corps de logis où elle avait son ménage installé très proprement et largement, non loin du logement de Laguerre et à côté de celui d’Audebert, recueilli et soigné dans l’établissement, quand sa fantaisie de courir ne le menait pas ailleurs. Elle ouvrit à Sept-Épées une chambre vacante qu’elle était autorisée à lui donner. Elle avait déjà parlé à la demoiselle, et la demoiselle était disposée à bien accueillir l’artisan de mérite que Lise et Tonine lui recommandaient. Sept-Épées entendait à peine ce que lui disait la Lise. — C’est fort bien, lui répondit-il, cette demoiselle est fort honnête, et je compte bien la remercier ; mais il s’agit de Tonine. Pourquoi mon parrain a-t-il si mal accueilli la nouvelle de notre mariage ?

— Il l’a mal accueillie ?

— Il m’a répondu de manière à me faire croire qu’il s’opposerait à mon bonheur. Il y a quelque chose là-dessous, Lise, quelque chose que vous ne m’avez pas dit !

— Que peut-il y avoir, je te le demande, à toi ? Est-ce la faute de quelqu’un si ton brave homme de parrain ne comprend rien à vos amours ?

Sept-Épées crut voir Lise embarrassée, et il lui fit des questions détournées auxquelles il n’obtint que des réponses évasives. Une grande inquiétude s’empara de lui, d’autant plus que Lise l’ayant laissé seul pour qu’il pût s’habiller, il remarqua qu’elle restait près de sa porte, comme si elle l’eût surveillé pour empêcher une communication quelconque entre lui et les personnes du dehors. Il tomba dans un grand trouble d’esprit. Tonine avait-elle commis une faute, ou tout au moins provoqué involontairement quelque scandale ? Comment supposer qu’elle eût démérité dans l’estime pu-