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III

Nous avons essayé de justifier la première de nos conclusions : en Italie, la papauté a besoin de la France, à la condition que la France n’y soit pas possessionnée ; en Italie, la France a besoin de la papauté indépendante, comme garantie de l’indépendance de l’église catholique. Voyons maintenant notre seconde conclusion : la réforme de l’administration pontificale est inévitable ; elle se fera en dépit de toutes les répugnances.

Il m’est impossible de ne pas remarquer qu’elle est déjà commencée. Le commandement de l’armée pontificale remis au général Lamoricière, le ministère des armes confié à M. de Mérode, ce sont là des principes de réforme. Je sais que les moqueurs superficiels n’ont pas manqué en France de railler un général français transformé en soldat du pape. À Rome, au contraire, les réactionnaires du retour de Gaëte disent que, si les choses continuent à marcher comme elles font, ce ne sera plus M. Lamoricière qui sera le soldat du pape, ce sera Pie IX qui deviendra le pape du soldat. Laissons de côté ces murmures naturels de l’esprit révolutionnaire et de l’esprit réactionnaire. Il se fait en ce moment à Rome une expérience grande et décisive. En face de l’Italie nouvelle, laisser l’administration pontificale telle qu’elle était, sans lui donner une vie nouvelle, serait la plus grande des erreurs et la plus promptement punie. Mais cette vie nouvelle, où la prendre ? Sera-ce dans l’imitation docile de toutes les pratiques du droit administratif moderne, dans la centralisation ? Beaucoup de personnes ignorent que l’administration romaine n’a qu’un seul tort, c’est de ressembler déjà beaucoup trop à l’administration française. Elle en a tous les défauts sans en avoir les qualités. On croit que la centralisation est un instrument de gouvernement si merveilleux que quiconque s’en sert gouverne bien. On se trompe. Là comme ailleurs, l’outil dépend de l’ouvrier. Ce qui fait le mérite de l’administration française, ce sont les qualités de l’esprit et du caractère français. Au fond, la centralisation n’est que l’unité organisée du commandement ; mais ce commandement a besoin d’avoir beaucoup d’activité, de justice, de probité. Quand, en 1814, l’administration française quitta Rome, la centralisation y resta comme un système commode et facile ; mais elle y resta moins les qualités françaises qui la justifient, plus les défauts italiens qui la rendirent insupportable. Il y avait un vieux gouvernement pontifical créé par Sixte-Quint ; c’était une administration collective et qui avait quelque chose de la polysynodie du bon abbé de Saint-Pierre. Les pouvoirs