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1815. Les répugnances créées par la différence des doctrines céderont à la force des choses.

Ce ne sera certes pas la première fois dans le monde, et à Rome ou à Paris. Quelles différences de doctrines, de sentimens et d’idées entre la révolution de 1848 et la papauté ! C’est cependant la république sortie de la révolution de 1848 qui a fait l’expédition de Rome en 1849. Je reconnais que ces différences de doctrines se sont fait sentir dans les délibérations qui ont amené l’expédition de Rome et jusque dans les événemens mêmes de la guerre ; mais la nécessité de l’union entre Rome et la France, cette force des choses qui fait de la France l’alliée et la protectrice naturelle de la papauté, a tout décidé et tout dominé.

Qu’ai-je besoin, après tout, de citer 1840 ou de faire des hypothèses ? Le président du conseil d’état, l’orateur du gouvernement, n’a-t-il pas déclaré tout récemment que « les troupes françaises ne seraient retirées de Rome que lorsque le saint-père, suffisamment confiant dans ses propres troupes, se jugerait assez fort pour se passer de l’appui de nos soldats ? » Remarquez que le discours dans lequel M. le président du conseil d’état faisait cette déclaration solennelle était un discours plutôt sévère qu’indulgent pour le gouvernement pontifical. L’orateur du cabinet français reprochait au saint-siège de n’avoir pas fait les réformes convenables, de n’avoir pas écouté les conseils de sagesse qui lui étaient donnés. Il y avait de l’humeur enfin contre la papauté, et encore plus contre ses défenseurs, humeur respectueuse, mais visible, et cependant M. Baroche déclarait en même temps que le gouvernement français se garderait bien d’évacuer Rome, d’abandonner le saint-siège à ses propres forces, de le laisser aux prises avec la révolution, de faire enfin « l’expérience du lendemain, » c’est-à-dire de mettre le pape dans l’embarras, afin de lui prouver qu’il était dans son tort. — Singulière contradiction, dira-t-on : soutenir un pouvoir qui vous a presque excommunié ! Pourquoi ne pas le punir en lui retirant l’appui qui seul l’empêche de tomber ? — Pourquoi ! parce qu’il faudrait le relever, à peine tombé, parce qu’il n’est ni de l’intérêt ni de l’honneur de la France de laisser Rome aux mains de la révolution. Nos soldats protègent à Rome la sécurité et l’indépendance de la papauté ; ils n’abandonneront Rome que lorsque la papauté se croira assez forte pour défendre elle-même sa sécurité et son indépendance. Assurément, et à ne consulter que la logique, il y a une contradiction de la part du gouvernement français à parler contre le pape et à agir en sa faveur, de même qu’il y a contradiction aussi de la part du pape à se plaindre de la France et à recevoir ses services ; mais la force des choses domine et maîtrise toutes ces contradictions