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momentanées qui peuvent la contrarier en apparence ; il n’y en a pas qui puissent la détruire, sauf une seule : un établissement de la France en Italie. Grâce à Dieu, nous n’en sommes pas là : nous ne voulons être ni les héritiers de Charles VIII à Naples, ni ceux de Louis XII à Milan, ni ceux du brave et malheureux Murat dans l’Italie méridionale, ni ceux de l’enfant qui fut roi de Rome, ni ceux du prince Eugène dans le royaume d’Italie. Avec cette résolution, nous sommes, en dépit des querelles et des émotions passagères, les amis et les alliés nécessaires du saint-siège en Italie. On a beau dire que par notre système de laisser faire et de laisser passer nous avons pris part à l’annexion de la Romagne, et qu’à ce titre la bulle d’excommunication nous atteint d’une façon plus ou moins directe. Je ne cherche pas à savoir si nous répudions l’annexion des Romagnes plus que nous n’y consentons, ou si nous y consentons plus que nous ne la répudions ; il y a là un mystère ou une incertitude que je ne veux pas essayer d’expliquer. Ce que je sais et ce que j’ose affirmer, c’est que la question des Romagnes, quelque importante qu’elle puisse être, ne l’est pas assez pour détruire les causes fondamentales d’union entre le saint-siège et la France, tant que la France n’a pas de possessions en Italie.

Je vois bien qu’à Paris on parle avec humeur des sages conseils qui ont été donnés au pape et qui n’ont pas été suivis ; je vois bien qu’à Rome on parle avec tristesse des promesses qui ont été faites et qui n’ont pas, dit-on, été tenues. À Paris, on adopte presque tout entière la doctrine de la souveraineté nationale des peuples, et on est tout près d’approuver l’annexion des Romagnes à la Sardaigne. À Rome, on adopte sans hésiter la doctrine des traités de 1815 et de l’immutabilité des principautés fondées sur le vieux droit européen. Le dissentiment est profond. Il faut savoir cependant jusqu’où il va. Supposons que Rome soit menacée par la Sardaigne, que le patrimoine de saint Pierre soit près d’être englouti dans le royaume des Lombards : à qui, dans l’état actuel de l’Europe, le saint-siège demandera-t-il protection ? Je défie que ce ne soit pas à la France malgré les dépits qu’il a pu avoir contre la France. La France, à son tour mécontente et aigrie, refusera-t-elle son appui au saint-siège ? Je l’en défie. De telle sorte que, malgré, les aigreurs, les difficultés, les reproches mutuels, le saint-siège sera secouru par la France ; de telle sorte que, quoique la France soit, dit-on, très révolutionnaire, elle ne permettra pas à la révolution de mettre la main sur Rome, pas plus en 1860 qu’en 1849 ; de telle sorte enfin que le saint-siège, quoique invoquant sans cesse le droit européen de 1815, appellera très volontairement à son secours la puissance qui a le plus contesté et enfreint ce droit européen de