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dira-t-on, peut seule créer son indépendance. — Je sais que chaque état de l’Italie a tour à tour essayé de fonder l’unité italienne à son profit : les Vénitiens y ont songé, les papes l’ont essayé sous Jules II, les Espagnols y ont presque réussi au XVIe et au XVIIe siècle, quand ils étaient maîtres à la fois du royaume de Naples et du duché de Milan. Ils ont perdu leur suprématie italienne au XVIIIe siècle, quand l’Autriche s’est emparée du Milanais. Aujourd’hui le Piémont tente à son tour de fonder l’unité de l’Italie à son profit. Il n’est pas plus Italien que ne l’étaient les Vénitiens du XIVe et du XVe siècle, ou les papes, qui, depuis la fin du XVe siècle, sont tous Italiens ; mais il est plus fort que Venise, parce qu’il a en Italie une base continentale plus large et plus solide ; il est plus puissant aussi que la papauté, qui n’a que des chefs électifs ordinairement vieux, et qui ne peuvent pas longtemps poursuivre leurs desseins. Le Piémont fait donc en ce moment une grande expérience, qui jusqu’à lui n’a pas réussi. Il veut fonder l’unité de l’Italie par les Italiens. Est-il besoin pour cela de réunir par annexion ou par conquête à ses états héréditaires les diverses parties de l’Italie centrale et méridionale ? Il y a là une question qu’on peut résoudre en sens différens : l’avenir verra. Je ne veux faire sur cette unité nouvelle de l’Italie qu’une seule réflexion.

Il est bien à souhaiter que cette unité réussisse et qu’elle réussisse par la justice plutôt que par la force, par la modération plutôt que par l’ambition, par la confédération plutôt que par l’annexion ; car si cette unité nouvelle ne réussit pas, Dieu sait ce que deviendra l’Italie maniée et remaniée plusieurs fois par l’esprit de révolution et par l’esprit de conquête. Elle retombera au pouvoir de l’étranger, qui lui apportera l’oppression sous le nom de repos. Ayant perdu le centre nouveau qu’elle aura voulu se donner, et n’ayant plus les centres locaux qu’elle avait jusque-là, elle serait en proie au premier occupant, qui profitera à son aise des remaniemens antérieurs et qui aura le droit de ne pas se soucier beaucoup des démarcations anciennes qu’il trouvera effacées. Nous souhaitons donc vivement le succès pacifique de l’expérience que tente en ce moment le Piémont pour fonder l’unité de l’Italie, car, encore un coup, si cette expérience ne réussit pas, elle laissera l’Italie dans un état pire qu’elle l’a prise ; elle la laissera plus faible, plus impuissante, plus livrée à l’ambition de l’étranger.

Si la France souhaite le succès de l’unité italienne, diront quelques personnes, que la France alors ne la contrarie et ne la chicane pas. Il faut s’entendre sur ce point. Y a-t-il des Italiens décidés à mettre sur le compte de la France tous les échecs que pourra rencontrer l’unité italienne ? Y a-t-il des Italiens décidés à nous rendre