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viendront ces réformes ; je sais seulement que, comme il est encore plus impossible à la papauté de continuer l’état de choses actuel que de se réformer, la réforme est inévitable et prochaine.

Je dois maintenant reprendre ces conclusions et les expliquer rapidement.


I

Toutes les fois que la France n’a pas cherché à s’établir en Italie et à y avoir des possessions, elle a eu le saint-siège pour allié sincère, et elle a été l’amie et la protectrice sincère aussi du saint-siège.

Il faut distinguer ici dans le pape le prince et le pontife. Le pontife a eu souvent des démêlés avec les rois de France comme avec les autres princes de l’Europe ; mais cela tenait au vieux débat entre le spirituel et le temporel. Le pontife, comme chef de la chrétienté, voulait soumettre les rois et les princes à la loi chrétienne ou même à la loi ecclésiastique. Les rois et les princes résistaient, tantôt ayant raison et tantôt ayant tort. Les rois et les princes, de leur côté, voulaient soumettre les évêques et les prêtres de leurs états à leurs volontés ou à des décrets plus ou moins justes. Les évêques et les prêtres s’appuyaient sur le pape pour résister. De là, de fréquentes querelles ; mais ces querelles ne venaient pas de ce que le pape était prince, l’intégrité des états du saint-siège n’était pour rien dans la question. Quand le pape Innocent III ordonnait à Philippe-Auguste de quitter Agnès de Méranie et de reprendre sa première femme Ingelburge, les papes parlaient comme pontifes, comme dépositaires du pouvoir spirituel, et non comme princes. Dans la lutte entre Philippe le Bel et Boniface VIII, il ne s’agit pas des états du saint-siège, mais du droit que Philippe le Bel veut avoir d’imposer le clergé et du droit que le pape réclame de nommer les évêques en France sans l’intervention du roi. Le spirituel empiète sur le temporel, le temporel empiète sur le spirituel ; mais la principauté pontificale n’est pas mise en question. Quand Louis XIV lutte contre le pape, quand il fait proclamer par les évêques de France les quatre fameux articles qui contiennent la doctrine de l’église gallicane, c’est le pontife qu’il prend à partie, et non le prince qui est à Rome.

Nous rappelons ces faits parce qu’il y a quelques personnes qui croient que, si le pape perdait son pouvoir temporel, s’il cessait d’être prince indépendant, les vieilles luttes entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel prendraient fin comme par enchantement. Il n’en serait rien. Il est possible qu’en Italie le pape, étant prince, soit souvent gêné dans l’exercice de son pouvoir pontifical