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son toit, et que nos lits étaient préparés. Elle ajouta quelques paroles pleines de courtoisie prononcées avec une voix très douce. Il ne pleuvait plus. Le curé remercia Noguès et sa sœur de leurs bonnes intentions, et malgré leurs instances nous nous remîmes en selle. Le cheval du curé, qui se retrouvait sur un chemin connu, n’eut garnie cette fois de s’égarer. Nous arrivâmes bientôt au presbytère, où nous fûmes accueillis par une servante d’un âge très canonique, qui, après nous avoir fait souper, me conduisit dans une chambre bien close où se trouvait un lit bien chaud.

Le lendemain matin, le ciel était redevenu pur, et le curé Garrigues me proposa avant de déjeuner d’aller voir son église. Elle était petite, mais d’une unité de style parfaite et dans une charmante situation. Cette église, du style roman le plus pur, s’élevait dans un véritable jardin anglais, au milieu d’une prairie dominée par des chênes séculaires. On eût dit la chapelle d’un ermitage. D’une fenêtre du presbytère, le curé me la fit admirer. Il avait une petite exploitation agricole qu’il cultivait de son mieux. Il ne me fit grâce d’aucune pièce de terre ; il me fallut passer en revue ses bœufs, ses vaches, ses moutons et deux beaux chevaux qu’il avait dans son écurie. L’ecclésiastique ne reparut qu’après le propriétaire. Nous allâmes enfin visiter l’église : elle était à l’intérieur d’une grande simplicité ; la chapelle de la Vierge se faisait seule remarquer par une profusion de vases ornés et de fleurs en papier qui, nouées en guirlandes et en festons, couvraient presque la statue et les parois de l’autel. Comme je me récriais sur cette abondance d’ornemens : — C’est Marthe la marguillière, me dit-il, qui est emportée par son zèle. La pauvre fille n’est pas heureuse, la religion seule a des consolations pour elle ; mais vous l’avez vue déjà : Marthe est la sœur du propriétaire chez qui nous nous sommes arrêtés hier au soir.

Pendant le déjeuner, j’essayai de faire causer le curé, et je lui posai plusieurs questions sur la vieille femme que nous avions rencontrée la veille. Je m’attendais à une histoire complète, une véritable histoire de sorcière. Il me donna des renseignemens assez vagues. Elle appartenait à une famille déconsidérée dans le pays. Sa grand’mère ou son arrière-grand’mère avait été brûlée comme sorcière en vertu d’un arrêt du parlement de Toulouse. Le supplice avait eu lieu précisément à l’endroit où nous l’avions trouvée la veille. Elle s’était mariée avec un assez mauvais sujet, une espèce de bohémien qui faisait le commerce des chiens de chasse. Il l’avait laissée veuve de bonne heure. Son fils unique était mort. Cette perte avait troublé sa raison. Elle se croyait sorcière, elle le disait souvent, et on l’avait prise au mot. Il était incontestable que toutes les femmes de cette famille avaient certains remèdes secrets, illusoires pour la