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LA
REINE DU SABBAT
SCENES DE LA VIE DES LANDES.

I

La petite ville de Barcelonne, située dans le département du Gers, mais dont les dernières maisons touchent au département des Landes, a des foires renommées. Les Béarnais et les Landais s’y rendent en foule, et il s’y fait un grand commerce de bœufs de la Chalosse et de petits chevaux du pays. La foire de décembre 1845 (j’ai quelques raisons pour me rappeler cette date) fut une des plus belles que j’aie jamais vues dans cette modeste localité. Ce jour-là, le ciel était si pur, le soleil si chaud, qu’on se serait cru en plein été. Vers quatre heures cependant, les étrangers qui demeuraient loin songèrent à partir. À cette époque, la mode des cabriolets, des tilburys, ne s’était pas répandue ; on n’allait pas aux foires en diligences ou en wagons ; les hommes, les femmes, les enfans, les vieillards ne voyageaient qu’à cheval. Aussi, dès l’heure où commençait ce qu’on nomme la débâcle de la foire, de longues caravanes sorties de la ville qui avait donné lieu à cette commerciale et joyeuse solennité allaient se perdre aux quatre coins de l’horizon.

Rien n’était plus gai que ce retour, opéré moitié pendant le jour, moitié pendant la nuit, par des gens habitués à revenir ensemble. Toutes les classes de la société rustique étaient représentées dans cette foule alerte. On y voyait les négocians en eaux-de-vie et en grains toujours solidement montés sur un percheron bon trotteur,