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leur clientèle. Néanmoins il fut aisé de voir, quelques mois plus tard, à qui resterait l’avantage dans ce duel prolongé. Un siège aux communes était vacant parmi les représentans de la Cité. Les conservateurs y portaient M. Baring, un nom éprouvé et qui se recommandait de lui-même. De concert avec les whigs, la ligue lui opposa M. Pattison, qui n’avait d’autre appui que ce choix. L’élection paraissait très chanceuse, quoiqu’à cette occasion le plus riche banquier de Londres, M. Samuel John Loyd, se fût rallié au libre échange par une souscription publique. On alla aux voix : M. Pattison l’emporta. Aucun événement ne pouvait être plus significatif.

M. Cobden y puisa l’une de ses idées les plus heureuses ; il en savait assez sur le parlement pour juger que, dans sa composition actuelle, il n’y avait rien à en attendre : comment y introduire des élémens nouveaux ? Il étudia le bill de réforme, et voici ce qu’il y découvrit rune clause qui, du nom de l’auteur, portait le nom de clause Chandos accordait le droit d’élection aux fermiers, qui, même sans baux, étaient censés payer un loyer de 50 livres. Bien des abus accompagnaient ce droit ; tous les parens d’un fermier se faisaient inscrire sur les listes comme associés à la ferme ; leur serment suffisait, et ils le prêtaient sans scrupule. Les conservateurs mettaient ainsi leur majorité hors d’atteinte dans les comtés. Toutefois à côté de cette clause il y en avait une autre datant de six siècles, et qu’on avait conservée dans le bill comme inoffensive ; c’était celle qui conférait l’aptitude électorale à tout individu possédant un bien libre d’un revenu de 40 shillings. Cette clause tombée dans l’oubli, M. Cobden entreprit de la faire revivre, et il s’en fit un redoutable instrument. Une nuée d’agens poursuivit, aux frais de la ligue, l’épuration et la modification des listes ; des noms étaient éliminés, d’autres inscrits, suivant la couleur. Le mot d’ordre était : « prenez qualité, faites-vous inscrire. » On exhortait jusqu’aux ouvriers à donner cette destination à leurs épargnes. 40 shillings de revenu représentaient un capital de près de 60 livres sterling, à la portée des plus modestes fortunes. La ligue se chargeait des frais d’inscription, et au besoin elle faisait des avances. Des pères de famille, des gens de métier répondirent à cet appel. Au bout de quinze mois, la besogne était assez avancée pour que la majorité fût déplacée dans trente-deux bourgs et neuf comtés. Cent autres bourgs restaient sous le coup d’un remaniement qui devait à la longue les détacher de leur ancien patronage.

Parallèlement à cet effort, on s’occupa du développement des ressources. Le fonds de 50, 000 livres était épuisé à 2, 500 livres près. Dix millions d’exemplaires de pamphlets, de publications de toute nature avaient été distribués ; l’on avait tenu sept cents réunions publiques, défrayé les députations dans cent cinquante-six bourgs,