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d’une densité différente. Les oiseaux sont en effet pourvus de sacs aériens qui communiquent avec les poumons comme avec l’intérieur des os, et remplissent une grande partie du corps de l’animal. Ces réservoirs constituent une sorte de pompe aspirante et foulante ; dans l’inspiration ils appellent et reçoivent l’air extérieur, dans l’aspiration ils en chassent une partie par la glotte ou les fosses nasales et poussent l’autre à l’aide du poumon dans des réservoirs antérieurs et postérieurs. Ces réservoirs font sans cesse passer dans le poumon un air dont la pression est toujours en rapport avec les changemens de volume qu’ils subissent, en sorte que la surface respiratoire et ses nombreux vaisseaux sont chez l’oiseau comme séparés de l’atmosphère qu’il traverse à tire-d’aile ; il échappe donc ainsi en partie à l’action de la pression variable de l’atmosphère. Une disposition analogue se présente chez les insectes. Ces petits animaux sont pourvus de trachées communiquant avec l’air extérieur par des stigmates qui peuvent se fermer au gré de l’animal. Il en résulte pour eux la faculté de résister à l’influence du vide pneumatique, des gaz délétères, et même de l’immersion dans l’eau.

Ces considérations que je puise chez un de nos plus célèbres physiologistes, M. Longet, expliquent la difficulté que nous éprouvons à supporter une ascension rapide et continue. Heureusement le mal des montagnes n’implique pas une incompatibilité absolue des hautes régions avec la vie humaine. Les troubles que nous ressentons tiennent surtout à ce que le changement s’opère d’une manière trop brusque ; un certain laps de temps est toujours nécessaire pour que l’équilibre entre les gaz du sang et les gaz extérieurs puisse complétement s’établir, pour que les mouvemens plus actifs de la respiration se mettent en harmonie avec les conditions nouvelles, de telle manière que le poumon absorbe dans un temps donné la même quantité d’oxygène qu’exige l’état normal. On s’acclimate aux grandes hauteurs comme on s’acclimate dans des contrées qui semblaient trop chaudes, trop humides ou trop froides pour que l’homme y pût vivre. La ville de Quito, placée à 2 908 mètres au-dessus du niveau de la mer, renferme une nombreuse population qui ne paraît pas souffrir de cette altitude. Une autre ville des Andes, Potosi, est à 4 166 mètres, et contint jadis plus de cent mille âmes. Après que Saussure fut resté quinze jours au sommet des Alpes, son pouls reprit son mouvement normal, et Boussingault, après un séjour prolongé dans les villes des Andes, put aisément supporter la basse pression de la cime du Chimborazo. Il y a donc des précautions à prendre si l’on veut impunément se transporter dans les hautes régions, où, une fois établis dans des conditions convenables, il nous devient possible de vivre : il ne s’agit que d’habituer graduellement notre économie aux changemens barométriques de l’atmosphère.