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des frimas et en animent quelque peu l’immobile et triste paysage. Le pinson de neige (fringilla nivalis) affectionne tellement cette froide patrie qu’il descend rarement jusqu’à la zone des bois. L’accenteur des Alpes le suit à ces grandes élévations ; il préfère la région pierreuse et stérile qui sépare la zone de la végétation de celle des neiges perpétuelles ; les uns et les autres s’avancent parfois à la poursuite des insectes jusqu’à 3 400 ou 3 500 mètres de haut.

La terre a ses oiseaux comme l’air. Certaines espèces ne se servent de leurs ailes que quelques instans, et quand la marche leur devient tout à fait impossible ; tel est le cas des gallinacés. La région des neiges a son espèce propre, comme elle a ses passereaux caractéristiques. Le lagopède ou poule de neige se rencontre en Islande comme en Suisse. Il s’élève bien au-dessus des frimas perpétuels et reste cantonné à ces grandes altitudes. En hiver, son plumage prend l’aspect des frimas au milieu desquels il vit. La neige lui est tellement nécessaire, qu’aux approches de l’été il remonte assez haut pour la trouver ; il y niche, il s’y roule avec délice ; il y creuse des trous pour se mettre à l’abri du vent, la seule incommodité qu’il redoute dans sa glaciale demeure. Quelques lichens, des graines apportées par les airs suffisent à sa nourriture ; il fait la chasse aux insectes, dont il nourrit ses poussins.

Les insectes sont en effet les seuls animaux qui pullulent encore dans ces régions déshéritées : c’est une nouvelle analogie avec les contrées polaires. Dans la zone tempérée froide, les coléoptères se présentent en plus grand nombre et avec une plus grande variété que dans les régions plus voisines de l’équateur. Dans les contrées subarctiques, les insectes, pendant les courtes semaines de l’été, se montrent en grand nombre. C’est également la classe des coléoptères qui prédomine dans les hautes régions des Alpes ; ils atteignent sur le versant méridional 3 000 mètres et 2 400 sur le versant opposé. On les découvre dans les trous, les petites anfractuosités ; ce sont presque constamment des espèces carnassières, car à une si grande altitude la nourriture végétale fait défaut. Leurs ailes sont si courtes qu’ils semblent en être complétement dépourvus ; on dirait que la nature a voulu les mettre à l’abri des grands courans d’air qui les entraîneraient infailliblement dans la navigation atmosphérique, si leurs voiles n’eussent été en quelque sorte carguées. En effet, on rencontre quelquefois d’autres insectes, des névroptères et des papillons, que les vents enlèvent jusqu’à ces hauteurs, et qui vont se perdre au milieu des neiges. Les névés, les mers de glace sont couvertes de victimes qui ont ainsi péri. On trouve leurs frêles cadavres répandus par milliers sur les glaces. Cependant il est certaines espèces qui bravent la région des frimas et s’élèvent libre-