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clipse, et la neige prenait l’apparence livide qu’elle a souvent le soir quand les Alpes se colorent. Bientôt, l’occultation du soleil étant près d’atteindre son maximum, une teinte bleuâtre et mate se répandit sur les glaciers ; les nuages qui planaient sur la vallée au nord-est prirent une couleur verdâtre ; les petits filets d’eau et les flots d’un lac que les voyageurs apercevaient à leurs pieds du côté de l’est semblaient dorés comme par un beau clair de lune. « Nous étions, écrit M. Desor, pour ainsi dire entourés d’un crépuscule transparent. »

Quels ne doivent pas être dans les hautes montagnes de la Scandinavie les effets de l’apparition des aurores boréales, phénomène dû lui-même, ainsi que vient de le montrer un physicien célèbre, M. Auguste de Larive, à l’accumulation dans le haut de l’atmosphère de particules de glace ? Ces aurores boréales sont les précurseurs des chutes de neige, de grêle ou de pluie ; ils sont dus au concours du calorique, de l’électricité atmosphérique et du magnétisme terrestre, en sorte que, soit dit en passant, l’aurore boréale qu’on a pu observer dans la nuit du 9 au 10 avril 1860 est le symptôme d’un printemps froid ou pluvieux. Il est à regretter que MM. Schlagintweit n’aient pu compléter dans les Alpes Scandinaves les belles observations qu’ils avaient faites en Suisse ; elles eussent sans doute apporté de nouvelles preuves en faveur de la théorie de l’illustre physicien genevois.


II.

La vie est intimement liée au sol ; l’oiseau même qui s’élance dans les airs est obligé de redescendre sans cesse pour chercher sa nourriture. De tous les mammifères, l’homme seul a la témérité de s’aventurer dans les airs, grâce à l’invention des aérostats ; seul il peut, comme Gay-Lussac en 1805, se suspendre dans l’atmosphère à une altitude de plus de 7 000 mètres. Encore le froid intense qui se produit souvent à ces prodigieuses élévations l’empêche-t-il de résister longtemps à des conditions qui ne sont pas faites pour la vie. S’il n’est pas possible de retrouver si haut les dernières manifestations de la vie animale ou végétale, il est encore intéressant de suivre, en gravissant les montagnes, la progression décroissante de la faune et de la flore, de voir par quelles transformations passent la végétation et la nature animale avant de s’éteindre.

Entre les conditions atmosphériques nécessaires aux êtres organisés, c’est la température qui joue le principal rôle. La pression ne semble exercer presque aucune influence. De Candolle a démontré jadis que la hauteur absolue n’agit nullement sur les fonctions des