l’espace infini et nous font planer au-dessus des agitations et des misères du sol habité. La Bible nous représente Moïse gravissant le Sinaï pour y converser avec Dieu et recevoir directement ses volontés ; c’est l’image des impressions produites sur nous par les lieux élevés. Nous nous trouvons en effet sur la cime des monts face à face avec la Divinité ; l’homme n’étant plus là pour déranger, selon ses besoins et ses caprices, l’ordre primitif des choses, les lois physiques nous apparaissent dans toute leur grandeur et leur généralité.
Plus la société est vieillie, plus notre existence journalière devient mondaine et factice, plus nous ressentons de charme à remonter ainsi des plaines et des vallées où sont construites nos villes, où nous retiennent nos occupations habituelles, au sommet de ces pics élancés, de ces montagnes imposantes et escarpées que tout isole de nous. De là un goût pour les régions alpestres, qui ne fait que s’accroître à mesure que les facilités de communication nous amènent plus vite à leur pied. Les ascensions qu’on aurait regardées, il y a cent ans, comme les plus périlleuses et les plus impraticables sont devenues la récréation de nombreux touristes. On rencontre maintenant une foule de voyageurs qui se sont transportés au sommet du Mont-Blanc, et des femmes accomplissent par plaisir ce qu’exécutait à si grand’peine au siècle dernier le naturaliste Saussure par dévouement pour la science. On fait de longues marches sur les glaciers dont on se bornait jadis à reconnaître les bords. On veut passer partout où a pu pénétrer le chasseur à la poursuite du chamois. Toutefois, si une vaine ostentation de témérité pousse la plupart des voyageurs dans des régions longtemps inexplorées, d’autres sont conduits par un mobile plus noble, la curiosité scientifique. Grâce à leurs observations, on connaît aujourd’hui bien mieux les hautes régions de l’atmosphère, et on se représente avec plus d’exactitude les phénomènes qui s’y produisent.
Il s’est fait de la sorte toute une physique atmosphérique qui agrandit et complète celle qu’on pourrait appeler purement terrestre. En s’élevant au-dessus des causes de perturbation locale et des variations accidentelles, on a pu saisir quelques-unes des lois qui régissent l’atmosphère prise dans son ensemble, et qui sont indépendantes du relief de nos continens, de la distribution de nos cultures, de la répartition de la population. C’est sur ces résultats que nous voulons appeler l’attention. L’atmosphère est une image du globe dans son premier état, alors qu’il se réduisait à une masse de gaz et de vapeur ; il est donc important d’en étudier les conditions fondamentales pour reconstruire les origines de notre planète.