membres pris dans les trois ordres, lesquels surveilleront la perception. Ce n’est pas assez : cette commission législative, substituée à l’autorité royale, sera investie du droit de requérir tous les citoyens, tous les gens du roi, de les obliger à prêter main-forte, et même elle pourra désobéir au roi, s’il donne quelque ordre contraire aux résolutions des états ; tout cela aussi est accordé. Puis encore, par cette force des révolutions, par cet entraînement du désordre qui fait que, dès qu’on a trop pris, on est poussé malgré soi à tout prendre, il est décrété que les états seront réunis de nouveau quelques mois plus tard pour recevoir et vérifier les comptes, « et, ajoute-t-on habilement, pour voter de nouveaux subsides, s’il est nécessaire. » Se réunir trois fois en un an, observe avec raison M. Perrens, c’était marcher rapidement vers la périodicité ou même vers la permanence des états. De plus, le vote de deux ordres ne lierait pas le troisième ; chacun d’eux avait son veto, il dépendait donc d’un seul de tout arrêter, de tout anéantir. Ainsi les états régnaient et gouvernaient, et dans quelles conditions impossibles ! Étrange république d’ailleurs, en plein XIVe siècle ! République de castes rivales et de provinces qui ne se connaissaient pas ! Que manquait-il à ce beau gouvernement, si ce n’est une garde citoyenne pour remplacer les troupes royales ? Aussi « invitation fut faite à toutes gens de s’armer selon leur état ; en revanche il fut défendu au roi d’appeler l’arrière-ban, si ce n’est dans un pressant danger. » Mais qui déclarerait la patrie en danger ? Les états sans doute ! Peut-on imaginer une subversion plus complète de tout équilibre politique, une suppression plus entière de toutes ces résistances réciproques qui éprouvent, qui épurent et qui appuient les réformes ? Si la société de 1789 n’a pu résister à ces mêmes fautes, si elle a succombé sous ces mêmes usurpations précipitées et accumulées, comment les hommes de 1355 auraient-ils pu faire marcher cette machine dont le moteur était partout et le conducteur nulle part ? En vérité, tout notre désir de faire estimer l’antique bourgeoisie du moyen âge ne saurait nous déterminer à lui reconnaître ici cette sagesse qu’elle manifestait mieux dans l’enceinte des communes. Aussi dès l’année suivante tout croula. Les esprits s’étaient refroidis, les députés se rendirent en moindre nombre à l’assemblée ; la dépense, le danger de traverser des provinces infestées d’ennemis et de brigands, les retinrent chez eux. D’autres furent retenus par leurs commettans mêmes, qui ne voulaient point de ce qu’ils avaient fait. Non-seulement la noblesse et le clergé se refusaient aux nouveaux impôts, mais de grandes villes les repoussaient avec violence. Le peuple d’Arras massacra vingt et un citoyens notables comme partisans des états et du nouvel ordre de choses, d’autres furent bannis ; cette révolution réactionnaire dura près de deux mois. Il fallut donc réviser la loi de la gabelle et de la taxe, et lorsque dans cette session on en vint à un examen plus libre ou moins enthousiaste, on reconnut enfin « l’insuffisance des députés du tiers, qui n’avaient pu encore assez réfléchir a l’art si difficile de gouverner les finances d’une grande nation. » A la gabelle
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