état d’hostilité sourde, ou du moins d’antagonisme permanent. Cette tendance, étant moins dans la volonté des hommes que dans la nécessité des choses, pouvait bien avoir des retours accidentels, des inconstances, des contradictions, mais en définitive elle suivait sa pente, et devenait pour la société, une fois lancée, la seule voie possible, la seule politique allant d’elle-même. La monarchie, par cela seul qu’elle était en opposition de fait à l’ordre féodal, et qu’elle le minait incessamment, se trouvait aussi de fait alliée aux communes et au peuple, alliance vraiment naturelle, écrite dans les chartes et dans les lois à chaque page de nos annales. Les institutions administratives, judiciaires, militaires, qui sortaient lentement de cet état de choses, se subordonnaient toutes à la monarchie, et celle-ci les affermissait en les agglomérant. Quels que fussent donc les abus inséparables d’une création si difficile, si contrariée, si mal servie, il suffit, pour la justifier comme populaire et civilisatrice, que son principe fût opposé aux tyrannies locales implantées sur tous les points du territoire, et tendît à les déraciner. Voilà ce qu’on croit généralement aujourd’hui sur ce point de notre histoire.
L’auteur d’un ouvrage où l’on aime à reconnaître, tout en n’en adoptant pas les conclusions, des études sérieuses et l’amour de la vérité, M. Perrens, entreprend de combattre ce résultat, qui nous paraissait acquis.
Nous sommes loin de blâmer cette tentative de réaction contre une opinion admise, quoiqu’elle semble pourtant briller de tout l’éclat possible de l’évidence historique ; il est toujours bon pour la vérité que les dernières difficultés soient remuées, et qu’il soit tenu compte du moindre nuage jusqu’à ce qu’il s’évanouisse. L’histoire, si heureusement renouvelée, si abondamment enrichie, n’a point encore atteint en tout son dernier degré de clarté. La méthode scientifique lui manque encore à bien des égards ; l’exploitation des faits dans des vues particulières, l’esprit de parti rétrospectif, l’amplification, la rhétorique, le paradoxe, la recherche des singularités piquantes ou pittoresques, enfin tout ce qui trouble la vue et empêche les résultats définitifs et vraiment utiles, se donnent encore une trop large carrière sur ce terrain, pourtant si vaillamment cultivé. Il est donc bien que la diversité des jugemens entre gens sérieux se prolonge encore. À force de controverser, on cherche des règles de controverse ; l’enquête, d’abord un peu désordonnée ou errante, s’efforce de se fixer un but précis : de là peut sortir un jour quelque bonne et large méthode de procéder dans l’instruction du passé, et d’arriver enfin à un jugement définitif sur ces grands justiciables de l’histoire, les rois, les peuples, les castes, les institutions, les époques du genre humain. Nous ne diminuerons donc en rien le mérite de l’ouvrage de M. Perrens en discutant et en repoussant cette réaction agressive contre la royauté du moyen âge qui forme la conclusion générale de son livre.
M. Perrens soutient que cette prétendue alliance entre le pouvoir royal et les