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tions, des protestations ; tout a été vain, et nous avons vu bien des notes du Moniteur, animées des intentions les meilleures, contenant les assurances les plus réconfortantes, ne faire qu’irriter la chagrine inquiétude du malade. Nous l’avons dit nous-mêmes, il était temps de recourir à d’autres remèdes. Aux paroles devaient succéder des actes qui pussent être considérés comme des gages positifs de sécurité. C’est un gage de cette nature, nous nous plaisons à l’espérer, que la partie de l’Europe qui est peut-être le plus affectée du mal d’opinion dont nous gémissons n’hésitera point à voir dans la visite de l’empereur au prince-régent.

L’Allemagne, avec ses discordes intestines et ses craintes extérieures, est en effet le pays dont le moral a le plus souffert dans ces derniers temps. À vrai dire même, depuis cet hiver, le bruit des discordes intérieures de la confédération avait dominé l’expression de ses préoccupations extérieures. La lutte de la Prusse et des états secondaires avait paru un moment devoir aller à de graves extrémités ; mais depuis près d’un mois un changement significatif est en train de s’opérer dans les relations de la Prusse avec les états secondaires. Une circonstance qui est de bon augure pour le résultat de l’excursion de l’empereur à Bade, c’est que, avant même que le voyage impérial eût été décidé, Bade avait été choisi par le prince-régent, par les rois de Bavière et de Wurtemberg, par les grands-ducs de Bade et de Hesse, comme le rendez-vous où devait s’accomplir le rapprochement et se consommer la réconciliation entre les cours allemandes. Le discours par lequel le prince-régent a clos la session du parlement prussien avait déjà indiqué cet apaisement intérieur. Le prince avait déclaré que le respect des droits d’autrui était la meilleure garantie des droits de la Prusse. Le parti de Gotha nous semble avoir cherché vainement à donner le change sur le vrai sens de ces paroles en voulant qu’elles ne fussent applicables qu’aux questions de la Hesse et du Holstein. Les états secondaires les ont mieux interprétées en y voyant un désaveu au moins momentané des prétentions à l’hégémonie que le parti unitaire revendique pour la Prusse. Une autre déclaration du prince-régent justifiait cette interprétation. Le prince avait dit que les gouvernemens et les peuples allemands étaient tous d’accord pour la défense de l’intégrité et de l’indépendance de la patrie commune, et que toutes les querelles intérieures devaient être subordonnées à cet intérêt vital. En parlant ainsi, le prince donnait clairement à entendre qu’il voulait mettre fin aux tiraillemens qui ont cette année excité contre la Prusse les défiances des états secondaires, et qui ont paralysé l’action de la diète.

Aussi, depuis ce discours, était-il devenu évident que les questions qui restent à régler à Francfort, la réforme militaire, l’organisation d’un tribunal fédéral suprême, l’unité de la législation commerciale et des poids et mesures, et d’autres questions qui concernent les intérêts matériels de la confédération, pourraient être résolues d’un commun accord par des concessions mutuelles. Déjà même des Allemands, dont nous nous gardons bien