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Turin et de Milan, et se répandaient comme un torrent dans le Montferrat. Charles-Emmanuel, avec ses Piémontais aguerris et disciplinés, fondit sur le territoire qu’il s’était attribué, eut aisément raison des troupes italiennes incapables de tenir en rase campagne, et massacra impitoyablement les garnisons des villes qui osèrent résister. La garnison de Mont-Calvo fut presque tout entière passée au fil de l’épée par le fils aîné du duc, le prince de Piémont, Victor-Amédée, qui assista dignement son père dans cette noble expédition. Trino se défendit vaillamment et ne se rendit qu’après seize jours de tranchée ouverte. De son côté, don Gonzalès de Cordoue, gouverneur de Milan, était venu mettre le siège devant Casal, et comptait bien s’en rendre maître par la trahison d’un officier de la place qu’il avait gagné à prix d’argent. Cet indigne Italien s’appelait Spadino. La conspiration fut découverte, et le traître précipité du haut des remparts. Le duc de Mantoue avait mis dans Casal quatre mille hommes de ses moins mauvaises troupes. On ne pouvait emporter d’un coup de main une semblable forteresse ; mais avec d’aussi médiocres défenseurs, on se flattait qu’elle ne ferait pas une bien longue résistance.

La mission du nonce extraordinaire François Sacchetti était très difficile. Il venait se jeter entre les combattans et tâcher de leur arracher les armes en les éclairant sur leurs véritables intérêts. Il avait à faire comprendre à don Gonzalès que l’Espagne n’avait pas grand’chose à gagner à une guerre qui tournerait principalement au profit du duc de Savoie, lequel, avec ses desseins bien connus, après avoir pris les trois quarts du Montferrat, prendrait aussi le reste et mettrait un jour la main sur Casal. Il ne s’agissait pas de représenter à Charles-Emmanuel quel crime il commettait envers la patrie italienne en livrant Mantoue à l’empire et Casal à l’Espagne : il n’eût pas entendu ce langage ; mais on pouvait espérer le toucher davantage en lui montrant qu’en introduisant l’Autrichien et l’Espagnol en Italie, il y appelait un autre étranger, le roi de France, qui, pour secourir Charles de Gonzague, pourrait bien de nouveau s’emparer de la Savoie, que cette fois il serait fort tenté de retenir. Enfin il était plus aisé, mais tout aussi nécessaire, d’amener le duc de Mantoue à de sages concessions, soit d’argent, soit même de territoire, pour désarmer ou diviser ses ennemis. De toutes parts des difficultés immenses, mais un but juste et grand. Pour l’atteindre, il fallait une activité et une adresse extraordinaires : il fallait aller des Espagnols aux Piémontais et des Piémontais aux Italiens, donner à tous de bonnes paroles, ménager tous les intérêts, et suppléer à la force qu’on n’avait pas par la supériorité de la raison. C’était là précisément le génie de Mazarin. Il avait une santé