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rayée, car sans parler de leur forme, peu avantageuse pour ce genre de tir, ces projectiles perdent, chaque fois qu’ils touchent le sol, une partie de leur mouvement de rotation ; la dérivation s’affaiblit d’autant, et ils se rapprochent de la direction de l’axe de la bouche à feu qu’ils avaient abandonnée. Les ricochets n’ont donc plus lieu en ligne droite, mais suivant des directions qui s’infléchissent à chaque bond en s’éloignant du rempart à battre. Peut-être les artilleurs se consoleront-ils de cette perte en se rappelant combien le tir à ricochet était difficile, et avec quel soin scrupuleux il fallait déterminer l’emplacement de la batterie et le prolongement des lignes de la fortification, avec quelle précision il fallait mesurer les distances et les charges de poudre. Depuis Vauban même, le ricochet n’a presque jamais été employé ; depuis lors aussi, il faut bien le reconnaître, les sièges, que ce grand homme dirigeait avec une si grande sagacité et une si soigneuse économie de la vie du soldat, sont devenus plus meurtriers, et ses successeurs ont acheté leurs triomphes par une consommation bien plus grande d’hommes et de munitions.

Tous les perfectionnemens que nous venons d’exposer sont surtout avantageux pour l’artillerie de campagne : les pièces fixes, qu’elles aient pour objet la défense d’une place forte ou l’armement d’un navire de guerre, n’en profitent pas au même degré. Le plus grave inconvénient de l’artillerie fixe consiste en effet dans la difficulté de la manœuvre. Il faut à chaque coup reporter la lourde bouche à feu dans la position que le recul lui a fait abandonner ; les servans sont obligés de se découvrir en partie pendant le chargement, ce qui rend le service dangereux sur les navires de guerre, dangereux et lent dans les batteries fixes, où l’on n’a pas, comme sur les vaisseaux, la disposition d’un nombreux personnel. D’après l’appréciation la plus ordinaire, un canon de gros calibre placé sur un rempart ou dans une casemate ne peut guère tirer plus d’un coup tous les quarts d’heure. Une telle lenteur n’est pourtant pas nécessairement inhérente aux batteries fixes, et on a souvent cherché à en accélérer le tir par de meilleures dispositions d’affût. On n’avait pourtant pas gagné grand’chose, et, comme il arrive le plus souvent, c’est à un principe nouveau qu’il faut avoir recours pour éviter les inconvéniens des modèles en service. Le chargement par la culasse paraît destiné à servir de base aux perfectionnemens à introduire, et il sera bizarre de le trouver approprié aux canons plus tôt qu’aux fusils. Lorsqu’on ne sera plus forcé de porter le boulet à la bouche du canon, il deviendra possible de diriger le recul sur un plan assez incliné pour ramener la pièce à sa position première sous la seule influence de son poids ; les servans, ayant toujours leur poste à l’arrière de la bouche à feu, seront aussi infiniment moins exposés. Très