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d’ailleurs, et pour éviter la sonorité trop grande du bronze, on a préféré les pièces en fonte, auxquelles on donne un poids bien plus considérable, ce qui a aussi l’avantage d’atténuer l’intensité du recul. La bouche à feu n’a besoin d’exécuter que de très petits mouvemens latéraux, car le bâtiment lui-même tourne de manière à se placer dans la direction convenable. Ayant à satisfaire à des conditions tout à fait différentes, l’artillerie de terre et l’artillerie de mer ont poursuivi séparément leurs études, elles se sont habituées à demeurer totalement étrangères l’une à l’autre, au grand dommage de l’état dans bien des circonstances, car ce défaut de concours a exercé souvent une influence fâcheuse sur la recherche de perfectionnemens qu’il eût été mieux de faire en commun.

Les conditions de l’artillerie de terre ne s’éloignent pas toujours autant qu’on pourrait le penser de celles qui sont demandées pour les pièces marines, et malgré le désir d’assurer la plus grande uniformité dans le matériel, il faut reconnaître que les affûts de siège ne peuvent pas seuls satisfaire à toutes les exigences. Ainsi la facilité de locomotion que possède l’affût de siège devient inutile toutes les fois que les bouches à feu n’ont pas de mouvemens à exécuter, et l’on regrette alors certains avantages qu’on lui a sacrifiés. Pour placer une pièce de gros calibre derrière l’épaulement d’une fortification, il faut î’échancrer profondément, y faire ce qu’on appelle une embrasure ; l’impossibilité de donner à cette ouverture des Joues trop obliques réduit le champ du tir, et cependant les canonniers voient disparaître une partie du massif qui faisait leur sécurité. Gribeauval avait senti la gravité de ces inconvéniens, et il avait voulu y remédier en divisant l’affût en deux parties : l’une, supérieure et d’une forme particulière, supportait la pièce, dont elle partageait le mouvement de recul ; l’autre, inférieure, était une sorte de châssis muni de roues, afin de pouvoir prendre les directions latérales exigées par le pointage ; ce châssis était en outre muni de glissières pour diriger la marche de la partie supérieure, qui, on le voit, se trouvait à peu près dans la position de l’affût marin. Par cette ingénieuse division, dont le principe a toujours été conservé, on parvient à élever beaucoup la pièce, à réduire ou même à supprimer l’embrasure, à augmenter par suite le champ de tir ; mais, à mesure que la bouche à feu s’élève, le chargement devient plus pénible et plus difficile, et si les canonniers sont d’ordinaire mieux abrités par le parapet, ils sont forcés de se découvrir beaucoup plus pendant une partie de la manœuvre. Bien des efforts ont été tentés en France et à l’étranger pour atténuer ces défauts, mais on n’y peut guère parvenir sans retomber dans ceux que présente l’affût de siège. La difficulté a paru un moment insoluble, et si tel n’est plus l’avis général, on ne peut disconvenir