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hommes, non contre les obstacles matériels ; il raccourcit les petites pièces, dont il fixa le poids à cent cinquante fois celui du projectile ; les charges furent également réduites de la moitié au tiers. C’était diminuer l’effet de l’arme, mais ce désavantage était bien compensé par une mobilité plus grande et par un tir plus rapide. Pour obtenir ce résultat, il reprit la gargousse, oubliée depuis Gustave-Adolphe, fit adopter des avant-trains commodes, des essieux en fer pour les roues, imagina le pointage au moyen d’une vis dont on se sert encore et qui donne au tir une grande sûreté ; enfin, chose plus importante, il voulut que la fabrication fût identique dans tous les arsenaux, afin qu’une partie quelconque du matériel, venant à se rompre ou à se perdre, pût être remplacée immédiatement par une autre tenue en réserve. Pour diminuer le nombre de ces rechanges, il s’attacha aussi à établir l’uniformité parmi les diverses espèces d’affûts et de voitures. Depuis cette époque, le corps de l’artillerie apporte aux produits qu’il fabrique une attention si minutieuse, que le moindre clou a ses dimensions bien déterminées, et qu’une pièce en bois ou en fer faite dans un de nos arsenaux peut s’appliquer immédiatement et sans ajustage à une voiture ou à un affût venant de l’un quelconque des autres. L’affût à grandes flasques dont Gribeauval a donné le modèle est devenu populaire ; il a été représenté sur une foule de dessins et même sur des monumens destinés à rappeler les triomphes de l’armée française. Cet affût a fait toutes les campagnes de la république et de l’empire ; il a traversé les mers à la suite de nos soldats, et les bons services qu’il a rendus prouvent à quel point il répondait à tous les besoins. Aussi toutes les nations civilisées l’ont successivement adopté, et la plupart s’en servent encore. On peut dire qu’il a fait le tour du monde.

Les campagnes des dernières années de l’empire amenèrent l’usure et la perte de presque toute notre artillerie, celle de bataille surtout, car une grande partie des canons qui garnissaient nos places fortes ne purent être enlevés par l’ennemi, et c’est là que l’on rencontre aujourd’hui même d’anciennes pièces aux armes du grand roi, mutilées par la colère aveugle des révolutionnaires, mais solides encore, et respectables dans leur vieillesse. Ces restes dispersés ne constituaient plus un ensemble bien coordonné, et avant de les réorganiser, le gouvernement de la restauration voulut s’éclairer sur les améliorations dont l’ancienne artillerie était susceptible. Une commission de généraux de cette arme spéciale, où le général Valée eut une influence prépondérante, étudia toutes les parties du matériel, canons, affûts, voitures, avec le plus grand soin, et fit adopter les modèles aujourd’hui en service.

Le canon de siège de Valière, le canon de campagne de Gribeauval,