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ce que les historiens appellent à tort des canons de cuir : c’étaient des canons de 4 très légers, formés de lames de fer cerclées ou réunies entre elles au moyen de bandes de cuir. Ces canons étaient disséminés dans les régimens d’infanterie, système que l’on a cherché à remettre en usage pendant les dernières campagnes de l’empire. Le roi de Suède n’employa pas seulement des boulets pleins, il se servit aussi, suivant l’occasion, de mitraille et d’obus, projectiles creux remplis d’une quantité de poudre destinée à les faire éclater dans les rangs ennemis. Après avoir augmenté la rapidité des mouvemens, il voulut aussi obtenir celle de la manœuvre ; il inventa les cartouches à canon toutes préparées ou gargousses, et parvint à faire tirer à ses fameux canons de cuir jusqu’à deux coups par minute. L’artillerie de campagne avait ainsi atteint un degré de perfection dont elle n’avait jamais approché, et que les contemporains n’estimaient point à sa juste valeur, car après ce grand homme elle déchut sensiblement, et plusieurs des améliorations qui lui étaient dues, celle des gargousses entre autres, furent pour un temps abandonnées.

Pour rencontrer dans l’artillerie un ensemble de progrès un peu considérable, il faut traverser le XVIIe siècle tout entier et voir ce qu’elle était devenue à la fin du long règne de Louis XIV. Ce roi, qui mettait son orgueil à assurer la prépondérance de la France sur le reste de l’Europe, et dont les armées avaient été commandées par les premiers généraux du siècle, ne pouvait méconnaître l’importance du canon. Il avait beaucoup fait pour constituer l’unité française et rendre uniformes, autant que possible, l’administration et les lois ; il est naturel de croire qu’il dut partout donner la même impulsion, poursuivre les mômes résultats. Les perfectionnemens de l’artillerie cependant avaient d’abord été assez lents à cause de l’ignorance où l’on était de la véritable théorie des effets de la poudre ; mais comme la qualité de cet agent était déjà fort améliorée, il fallait aussi veiller avec une attention scrupuleuse à la bonté des pièces. Le bronze fut presque exclusivement adopté : ce métal, à la fois plus cher et moins dur que la fonte, est plus tenace, et les dégradations s’y font avec une régularité et une lenteur qui permettent d’en surveiller la marche. Les pièces de fonte, au contraire, ne décèlent pas toujours l’affaiblissement de leur résistance, ce qui en rend l’usage incertain et dangereux. L’art du fondeur fut porté à un très haut degré entre les mains de véritables artistes, et les pièces de gros calibre des frères Keller, à qui l’on doit aussi les belles statues qui ornent les jardins de Versailles, sont encore au nombre des meilleures que nous possédions. Les calibres de 24, de 16, de 12, de 8 et de A furent adoptés, et l’on donna aux canons de