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de la société. Leur lieu de refuge était alors à Londres Slaughter’s Coffee house, dans Saint-Martin’s Lane, un excellent endroit où ils se réunissaient déjà dans le temps de leur prospérité, mais qui ne convenait plus pour des officiers à la demi-solde. Dans ces circonstances, l’idée de la mess se présenta naturellement à leur esprit, et le général lord Lynedoch s’entendit avec cinq officiers pour concerter un plan d’association qui pût s’appliquer à la vie civile. De leurs pourparlers sortit cette année même (1815) un club qui fut comme le germe de ces institutions. Là les anciens frères d’armes se retrouvèrent au milieu d’un foyer commun de conversation et de souvenirs. Les militaires fondateurs, sachant que beaucoup d’officiers de marine se trouvaient aussi réduits et aussi embarrassés qu’eux-mêmes, les attirèrent dans leur association, qui prit alors le nom d’United Service Club. On se cotisa pour bâtir un premier édifice, qui s’élevait au coin de Charles-Street, Saint-James’s, et qui fut ouvert en 1819 ; mais comme le nombre des aspirans augmentait d’année en année, on pensa vers 1825 à construire un plus grand local pour la société. Un nouvel édifice, d’après les dessins de M. Nash, l’architecte du palais de la reine, s’éleva donc en 1828 à l’angle de Pall-Mall et de Waterloo : il ne tarda point à recevoir près de quinze cents membres, parmi lesquels figurait le duc de Wellington. À ce premier club se rattachent de grands noms et de glorieux souvenirs pour l’Angleterre.

Le succès fut contagieux : une règle s’étant introduite dès 1826, qui n’admettait plus à l’United Service d’officiers au-dessous du rang de major dans l’armée ni de commandant dans la marine, une autre association militaire se forma sur les mêmes bases et adopta le nom de Junior United Service. Le nouveau club compta bientôt quinze cents membres effectifs et quatre cents surnuméraires[1], recrutés parmi les officiers des grades inférieurs. L’impulsion était donnée et ne devait s’arrêter que le jour où ces institutions auraient embrassé toutes les branches supérieures de l’armée. Les officiers de la maison de la reine, qui s’étaient groupés dès 1809 dans un club selon l’ancien système, imitèrent leurs frères d’armes en adoptant le nouveau régime économique, et firent bâtir dans Pall-Mall une maison haute, étroite, sans prétention, qui prit le nom de Guards Club house. Cependant ces quatre clubs militaires laissaient encore pas mal de candidats en dehors des bienfaits de l’association. En 1837 se dressa magnifiquement, à l’angle de Pall-Mall et de Saint-James’s, un édifice qui donna asile aux officiers de l’armée de terre et de mer, Army and Navy Club house. Une

  1. On appelle surnuméraires (supernumeraries) ceux qui, étant retenus au loin par leur service, ne paient point de contribution annuelle.