Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faible compensation des malheurs dont le feu souterrain les menace sans cesse. Le sol de la triste Islande est couvert de soufre, et le sud de l’Italie, qui de tout temps a été en possession d’en approvisionner l’Europe, le présente à un tel état de pureté qu’il suffit d’une simple fusion pour écarter les matières terreuses qui l’accompagnent. À toutes les époques de guerres, de guerres maritimes surtout, cette nécessité de se procurer le soufre au dehors a été pour le gouvernement français une cause de sérieuses préoccupations. Ces soucis des hommes d’état ne pourraient que s’accroître aujourd’hui, car l’agriculture trouve dans ce produit des volcans le remède le plus efficace à des maux combattus en vain par tout autre moyen, et l’industrie augmente chaque année par millions de kilogrammes la consommation des corps sulfurés. On a souvent tenté d’extraire le soufre du plâtre ou de l’un des nombreux minéraux où il existe à l’état de combinaison, mais il est douteux que l’on y parvienne jamais, dans des conditions industrielles du moins. Toutefois les chimistes n’ont pas entièrement perdu leurs efforts ; s’ils n’ont pu obtenir le soufre à l’état de nature, ils ont réussi à préparer l’acide sulfurique et la série entière de ses autres composés, ce qui serait d’un très grand secours si les sources d’où nous tirons cet utile métalloïde venaient pour un temps à se tarir.

Le dernier des trois corps dont le mélange constitue la poudre, le charbon, s’il est de beaucoup le plus commun, est aussi celui dont la qualité a le plus d’influence sur la valeur du produit. Aussi le choix est-il ici l’objet d’une attention toute particulière. Il faut que le charbon donne aussi peu de cendre que possible, la cendre est inerte. Il faut qu’il soit léger et poreux, car le charbon très divisé a la singulière propriété de condenser dans ses pores des quantités énormes de gaz, et lorsqu’ils se dégagent, il en résulte une force qui s’ajoute à celle des produits de la combustion. On recherche donc, pour faire ce charbon, des baguettes de bois blanc dépouillées de leur écorce, tels que l’osier, le saule, le coudrier, ces charmans arbustes qui décorent les rives de nos ruisseaux. En France, on donne la préférence à la bourdaine, dont l’emploi est presque exclusif. Les chènevottes, si l’on pouvait s’en procurer aisément des quantités suffisantes, seraient encore meilleures, et on les réserve pour quelques poudres d’élite. La carbonisation exige plus de soins encore que le choix du bois ; aussi est-elle dirigée de manière à obtenir des propriétés très absorbantes. Dans les poudreries françaises, cet art a été poussé très loin, et l’on a vu des charbons condenser l’air atmosphérique avec une rapidité et une production de chaleur si grandes qu’il en résultait une combustion spontanée. C’était dépasser le but. Pour approcher sans péril de cette perfection dangereuse, la carbonisation