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gés à l’égard de l’Autriche. Pour cela, nous avons posé au Piémont, comme condition de notre garantie du nouvel état de choses, qu’il s’agissait de constituer pour lui l’autonomie de la Toscane et le vicariat des Romagnes. Ici encore la logique a été mise en défaut, M. Thouvenel ayant, dans sa dépêche à M. de Persigny, objecté à la quatrième proposition anglaise que « le gouvernement de l’empereur demeurait convaincu qu’il ne réussirait à dégager sa responsabilité morale que si le principe du suffrage universel, qui constitue sa propre légitimité, devenait aussi le fondement du nouvel ordre de choses en Italie. » La France est tenue, s’étaient écriés aussitôt les logiciens. Que le suffrage universel soit consulté en Toscane et dans l’Emilie, qu’il devienne le fondement du nouvel ordre de choses en Italie, qu’il en constitue la légitimité, et la France sera liée par sa propre argumentation.

La double méprise de l’opinion sur la portée de documens qui étaient pourtant intégralement livrés à ses appréciations a été telle que nous avons vu de spirituels commentateurs en tirer la conclusion que nous étions revenus à la politique de Villafranca et de Zurich, tandis que de graves et expérimentés politiques se croyaient autorisés à en déduire la réalité d’une entente finale sur le fond des choses entre l’empereur et M. de Cavour. Nous n’irons pas plus loin dans l’exposé de ces déconvenues de la logique, achoppée aux abondantes divulgations de la politique officielle. Ne serait-on pas tenté, en présence du chaos de ces révélations hétérogènes, de regretter le vieux mystère autrefois si cher à la diplomatie ? Puisque la confusion est dans les idées comme dans les faits, dans les esprits comme dans les choses, il faut faire de nécessité vertu : demander la clarté aux principes toutes les fois qu’il est possible de monter à cette région haute et sereine, et des consolations à une indulgente gaieté, toutes les fois que l’on est retenu sur terre par les singulières incohérences de la politique courante, puisque enfin il est reconnu qu’il y a de la comédie dans tous les travers et un fonds de caricature dans toutes les laideurs.

Nous ne voulons donc pas nous perdre dans le fatras des polémiques, des discours et des paperasses diplomatiques dont nous sommes encombrés depuis quinze jours : nous ne saurions comment en sortir ; mais nous rechercherons si pour la France, l’Italie, l’Angleterre et ce que l’on est convenu d’appeler l’Europe, il n’est pas possible de ramener à quelque idée simple et intelligible les nécessités et les tendances si complexes en apparence de la situation présente. Commençons par la France.

Quant à nous, ce qui nous a surtout frappés dans le discours de l’empereur au corps législatif et dans les dépêches de notre ministre des affaires étrangères relatives au Piémont et à l’Italie, c’est une idée simple que nous avions nous-mêmes pressentie et exposée à la veille du discours. Cette idée est celle-ci : il faut dégager des affaires d’Italie l’action et la responsabilité de la France. On doit l’avouer, ni l’Italie ni l’Europe ne paraissaient disposées à nous aider dans l’accomplissement d’un dessein si nécessaire au repos