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la musique avec succès), touchaient les artistes, qui ne veulent pas seulement être encouragés, mais échauffés. Sophocle lui dut sa première victoire, Phidias ses premiers travaux. Périclès eut raison de supplanter un rival qui allait lui ravir sa plus belle gloire. Qu’il restât dix ans de plus à la tête de la république, Cimon donnait son nom au grand siècle.

Périclès ne put cependant continuer tout d’abord des traditions coûteuses et des entreprises qui demandent les loisirs de la paix. L’or de l’Asie était tari ; lui-même était pauvre, et le trésor des alliés, à peine enlevé de Délos, ne pouvait encore s’ouvrir aux prodigalités des Athéniens. En outre, la puissance de Périclès rencontra longtemps une opposition redoutable. Le parti aristocratique, et à sa tête Thucydide, fils de Mélésias, attaquèrent avec acharnement le représentant du parti démocratique. Ils poussèrent Périclès à cette extrémité, de s’exposer à l’ostracisme afin que Thucydide y succombât. Thucydide partit, et ce ne fut qu’après son exil que Périclès devint maître absolu d’Athènes. Au dehors, des guerres continuelles attirent, pendant le même espace de temps, les ressources de l’état et l’attention de son chef. Corinthe, Épidaure, Sparte, Egine, Thèbes, Argos, se succèdent ou se liguent pour combattre la grandeur croissante d’Athènes, mais ne l’empêchent point d’envoyer de grandes colonies en Chersonèse, dans le Pont, jusqu’à Chypre, et de promener ses flottes menaçantes autour du Péloponèse. Enfin la paix fut conclue pour trente ans entre les différens états de la Grèce. Alors seulement Périclès put consacrer à la prospérité intérieure et à l’éclat des arts ses soins, les revenus publics, et surtout le trésor des alliés. On sait en effet qu’il ne commença pas avant cette époque les grands travaux dont Phidias eut non-seulement la plus belle part, mais la direction.

Seize années s’étaient écoulées depuis l’exil de Cimon. Pendant cet intervalle, Phidias produisit la plupart des œuvres détachées dont l’antiquité nous a conservé la liste, et qu’on ne saurait placer ni au commencement ni à la fin de sa carrière : nous en connaissons trop bien l’emploi. Rendu à ses études, il conduisit à sa perfection un talent qui prévoyait la tâche immense à laquelle il serait appelé, car Phidias était l’ami de Périclès, le confident de ses projets ; peut-être les lui avait-il inspirés. Dans les jours de lutte, devant des obstacles sans cesse renaissans, il fallait différer l’exécution de plans trop grandioses ; mais l’homme d’état et l’artiste se consolaient en parlant de l’avenir, ils sentaient qu’il leur appartenait. Les statues colossales, les décorations publiques, les monumens de circonstance assurent à un sculpteur une prompte célébrité ; ils ne permettent pas toutefois, comme les œuvres de proportions plus simples, conçues