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colossal, et l’idée grandiose qui montre à tout un pays sa divinité protectrice, la faisant saluer, avant la patrie elle-même, par les navigateurs qui reviennent de lointains pays.

Les monnaies du Musée britannique et du cabinet des médailles à Paris sur lesquelles l’Acropole est représentée nous offrent un dessin exact, quoique bien incomplet, de l’œuvre de Phidias. Vêtue de la longue tunique et du péplum, la déesse élève son bras droit, qui s’appuie sur la lance ; son bras gauche étend en avant le bouclier. Tournée vers les Propylées, elle semble défendre l’entrée de son sanctuaire. Quand Alaric et ses hordes barbares assiégèrent Athènes, ils furent effrayés à l’aspect de cette grande figure de bronze qui les menaçait ; ils crurent que Minerve elle-même descendait du ciel pour défendre sa ville. L’assaut fut suspendu, et l’on signa un traité. Les partisans de la vieille religion, Zozime par exemple, ne manquaient pas de répéter cette fable et d’attribuer aux dieux mourans du paganisme un miracle qu’ils devaient au colosse de Phidias.

Le bouclier que présentait la déesse était orné de sculptures : on y voyait le combat des Lapithes et des Centaures ; mais Phidias n’en était pas l’auteur. Il avait confié à un toreuticien, nommé Mys, ce morceau, qu’on pouvait facilement détacher de l’ensemble. Mys, à son tour, avait travaillé d’après les dessins d’un certain Pérasius, qui avait coutume de lui fournir des modèles pour toutes ses œuvres. Mys ne savait ni la composition ni le dessin ; ce n’était qu’un habile ouvrier.

On peut calculer les dimensions que Phidias donna à sa statue. Sur les médailles de Paris et de Londres, de fabrique et de module différens, elle est d’un tiers plus haute que le Parthénon. Le temple avait environ cinquante-cinq pieds ; la statue en avait donc soixante-quinze. Il faut déduire de ce chiffre la hauteur du piédestal qui la supportait. Lorsqu’on a franchi les Propylées, si l’on suit la route qui mène au Parthénon, on aperçoit à sa gauche un massif de tuf long de vingt pieds, large de quinze. Au centre, un dé en marbre blanc semble la première pierre consacrée jadis par le sang des victimes. C’est là, au point exact marqué par les médailles, que s’élevait la Minerve Promachos. Nous ne savons point quel en était le style, s’il tenait encore de l’archaïsme et rappelait les leçons d’Agéladas, ou bien si Phidias essayait déjà sa grande et idéale manière. Pour construire un monument aussi gigantesque, pour modeler, fondre, agencer tous les morceaux qui le composaient, pour conduire jusqu’aux nues un ensemble que le regard a peine à embrasser, il faut une science consommée. Il semble que dès ce moment Phidias n’avait plus de rivaux qu’on lui pût comparer, car, lorsque les Athéniens voulurent que Platées élevât aussi un trophée,