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plus tard, car Phidias en était l’auteur. Si le peuple les eût commandées dès le lendemain de son triomphe, c’est-à-dire si Phidias, au lieu d’être alors un enfant, eût été homme et déjà célèbre, il serait né vingt-cinq ans plus tôt, avant la chute des Pisistratides. Par conséquent, il aurait eu près de soixante-dix ans au moment où commença la période la plus active et la plus féconde de sa vie. Entre sa soixante-dixième et sa quatre-vingtième année, il aurait exécuté la Minerve d’or et d’ivoire, le Jupiter olympien, couvert de sculptures le Parthénon, dirigé tous les travaux de Périclès, en un mot accompli au sein de l’extrême vieillesse ce qui exigeait l’ardeur de la jeunesse et les forces de l’âge viril. Un tel prodige n’est pas croyable.

Au contraire, on est forcé de reconnaître que les Athéniens n’ont pu élever aussitôt après Marathon des monumens que les Perses n’eussent pas manqué d’anéantir, lorsque dix ans plus tard ils incendièrent la ville. On trouve naturel qu’après la défaite même de Xerxès, le peuple pensât plutôt à reconstruire ses maisons et ses murailles qu’à satisfaire sa vanité. On ne comprend point qu’Athènes, ruinée par tant de désastres, ait pu consacrer à de coûteux trophées des richesses réclamées par des besoins plus sérieux, et qu’elle ait pourvu à ses embellissemens et à sa gloire avant que les dépouilles rapportées d’Asie par Cimon lui eussent fourni des ressources inespérées. Ces réflexions permettent de placer la naissance de Phidias vers le début des guerres médiques[1]. Dès lors, tout le cours de sa vie se dispose dans un ordre naturel, et le moment le plus brillant de sa carrière ne se rencontre point avec la défaillance de ses forces. Il a cinquante ans à peine, lorsque Périclès lui confie la direction de ses entreprises et de ses artistes. Aussi, quand il se représente sur le bouclier de Minerve, indique-t-il à la fois les premières atteintes de la vieillesse et la vigueur de l’âge mûr. Sa tête est chauve, mais ses deux mains soulèvent une lourde pierre, et il combat vaillamment contre les Amazones. À soixante ans, il va créer à Olympie son dernier chef-d’œuvre. À soixante-cinq, il revient mourir à Athènes ; encore ses jours sont-ils abrégés par les mauvais traitemens, peut-être par le poison.

Phidias naquit donc dès l’aurore du grand siècle, un ou deux ans après Sophocle, au moment où Eschyle faisait représenter ses premières tragédies. Athènes alors, à peine délivrée des guerres civiles qui suivirent la chute des Pisistratides, était menacée d’un danger plus terrible encore, l’invasion étrangère. Ces deux crises, qui se succédèrent coup sur coup, étaient une question de vie ou de mort,

  1. L’an 496 avant Jésus-Christ.