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Allemands des enseignes noires, que François de Lorraine et Richard de la Poole conduisaient intrépidement à l’ennemi. Ces lansquenets formaient l’aile droite de l’armée de François Ier et en avaient un peu débordé le centre, qu’occupaient les bataillons suisses. Ils rencontrèrent d’abord les lansquenets impériaux, qui les assaillirent avec le plus furieux acharnement. Sittich, à qui s’unirent les Espagnols, se jeta sur un de leurs flancs, et bientôt Frundsberg, qui venait un peu après, les attaqua sur l’autre[1]. Les lansquenets des bandes noires se battirent bien : aucun d’eux ne recula ; mais ils furent enfoncés malgré leur vive résistance, et périrent presque tous. Leurs deux intrépides chefs, le duc de Suffolk et François de Lorraine perdirent la vie en combattant à leur tête.

Tandis que l’aile droite de l’armée française, qui, par son mouvement, avait paralysé son artillerie, succombait sous le choc des impériaux, le centre éprouvait un sort pareil. Les arquebusiers espagnols y avaient fait de grands ravages parmi la grosse cavalerie des compagnies d’ordonnance, qu’ils attaquaient en tirailleurs agiles et qu’ils atteignaient avec une adresse meurtrière. Leurs coups de feu pressés et sûrs perçaient les armures, abattaient les grands chevaux de ces pesans hommes d’armes, qui ne pouvaient pas les joindre et ne surent pas les repousser. Le désordre se mit dans leurs rangs ; ils se rejetèrent en arrière et rompirent l’ordonnance des Suisses, contre lesquels s’avancèrent et tirèrent alors les arquebusiers espagnols. Ces célèbres bataillons helvétiques ne soutinrent pas la renommée de bravoure et de solidité qu’ils avaient laissé entamer à Marignan, qu’ils avaient compromise à la Bicocca, et qu’ils perdirent à Pavie. Ébranlés par le mouvement de retraite des hommes d’armes, incommodés sur leur flanc gauche par le feu des arquebusiers, assaillis de front par Pescara et Vasto, qui menèrent contre eux leurs troupes enhardies, menacés à leur droite par les lansquenets de Sittich et de Frundsberg, qui s’avançaient après avoir battu les bandes noires, ils ne résistèrent pas longtemps et lâchèrent pied presque sans combattre.

François Ier, après avoir fait reprendre haleine aux siens, s’était de nouveau jeté dans la mêlée. Sa lance, qui avait frappé tant d’ennemis, était brisée, et il avait tiré sa grande épée de bataille, dont il se servait vaillamment. Il croyait poursuivre sa victoire, lorsque, se tournant vers sa droite, il vit l’ébranlement et la déroute des Suisses. « Mon Dieu ! qu’est-ce[2] ? » s’écria-t-il tout surpris, et il se dirigea du côté des Suisses pour les arrêter et les ramener au combat ; mais ses efforts, pas plus que les instances de Jean de Diesbach

  1. D’après le récit de Pescara et celui de Frundsberg, dans Coleccion, etc., t. IX, p. 484, et dans Brequigny, v. 90.
  2. Lettera del Mco Paulo Luzascho, citée par Ranke.