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Marignan, il était transporté d’espérance et de joie. On montrait moins d’ardeur et de confiance autour de lui. Ses capitaines les plus expérimentés trouvaient la saison trop avancée et n’étaient pas d’avis d’entreprendre une campagne d’hiver. Ils commençaient d’ailleurs à redouter l’Italie comme l’écueil permanent de nos armes, et à n’y voir qu’un tombeau où ils allaient tour à tour s’engloutir.

Mais François Ier ne souffrit de leur part ni objection, ni retard. Il était décidé à réparer l’affront de l’invasion à laquelle venait d’être exposé son royaume par l’éclat d’une conquête qu’il croyait indubitable, et qu’il supposait devoir être définitive. Afin d’animer les siens de ses sentimens belliqueux, il leur exposa vivement la nécessité et l’utilité de cette expédition. « Soldats et amis, leur dit-il, puisque la fortune nous a conduits en ce lieu, secondons ses volontés par notre honnête résolution. Que la hauteur de ces grandes montagnes ne vous effraye ni rebute ! Je vous assure sur ma foi que, si nous sommes les premiers en Italie, la guerre est terminée sans combat. Courage donc. Sachons nous commander par vertu, oublions plaisirs et maisons, et au prix d’un peu de fatigue affermissons à jamais le repos de la France[1]. »

Il mena rapidement son armée et son artillerie jusqu’au sommet des Alpes sans se laisser arrêter par les obstacles permanens des lieux et sans rencontrer les obstacles ordinaires de la saison. Le temps semblait le favoriser. Les pluies n’étaient pas encore tombées dans les vallées, et les neiges n’avaient pas couvert les flancs des montagnes, dont les cimes seules étaient blanchies par les glaciers éternels. Les rivières étaient guéables et les passages libres. François Ier les franchit heureusement. Il arriva avec ses troupes à Verceil le jour même où l’armée impériale, partie de Finale, avait traversé les Alpes maritimes en se portant à Alba, comme pour défendre l’accès du Piémont. Réduite en nombre, épuisée de fatigue, ayant laissé une partie de ses bagages et de son artillerie dans les âpres chemins qu’elle avait parcourus et où elle avait été poursuivie, découragée par la mauvaise issue d’une entreprise avortée, cette armée était hors d’état d’empêcher l’invasion de la Lombardie, après avoir échoué elle-même dans l’invasion de la France. Demeuré à Asti, sur les revers italiens des montagnes, avec une partie des fantassins et des hommes d’armes qu’avait si instamment réclamés et si vainement attendus le duc de Bourbon pendant qu’il était devant Marseille, le vice-roi de Naples avait espéré néanmoins qu’en les réunissant aux débris de l’armée impériale qui revenait de Provence, il pourrait arrêter la marche des Français et empêcher leur

  1. Textuellement tiré de l’Epistre du roy traictant de son parlement de France en Italie et de sa prise devant Pavie, dans Captivité du roi François Ier, p. 117.