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cette partie de la Lombardie ; qu’on ne pratiquât pas plus les Suisses et les Écossais du côté des Français qu’on ne pratiquerait les sujets de François Ier du côté des Anglais et des Espagnols[1].

Pendant que se négociait cette trêve, au sujet de laquelle il était si difficile de tomber d’accord, les événemens avaient marché. Loin de réussir dans si mission, l’archevêque de Capoue écrivait au pape qu’aucune de ses propositions destinées à réconcilier les parties contendantes n’avait été acceptée par elles, et qu’il semblait devoir en sortir de nouvelles guerres. Charles-Quint songeait moins à traiter avec le roi de France qu’à réaliser l’ancien projet d’envahir ses états. Les succès obtenus en Italie lui en suggéraient la pensée, et l’armée victorieuse lui en offrait le moyen. « Je vous tiens averty, écrivait-il à son allié Henri VIII, de la bonne opportunité qu’il plaît à Dieu nous donner de pouvoir avoyr l’entière raison de notre commun ennemi… Je vous prie de mettre à effet de vostre costé ce que vous et moi avons dès longtemps désiré, en quoy de ma part je m’efforceray de tout mon pouvoir[2]. »

Si Charles-Quint était lent, il était opiniâtre. Il exécutait ses projets moins bien qu’il ne les concevait, mais il les faisait réussir en y persistant. Dans sa persévérance était une grande partie de son habileté. Comprenant combien il lui importait de ne pas laisser le roi François Ier reprendre possession du Milanais, il avait entretenu résolument, quoique avec beaucoup de difficulté, l’armée d’Italie, jusqu’à ce qu’elle eût contraint les Français à repasser les Alpes. « Cette entreprise, avait-il écrit en Angleterre, est la principale. Notre ennemi y emploie toutes ses forces et en fait plus d’estime que de tout son royaume. D’elle dépend l’entière conservation de nos états de Naples et Sicile et de l’empire ; c’est pourquoi nous sommes contraints d’appliquer à cette entreprise tout autant que nous avons[3]. » Les derniers succès obtenus par ses généraux en Lombardie le décidèrent à poursuivre son rival en France. Henri VIII fut du même avis ; son ambition s’était réveillée avec ses espérances. L’inutilité des efforts qu’il avait tentés l’année précédente et l’énormité des dépenses qu’il avait faites l’avaient un moment découragé.

  1. Simancas.
  2. Lettre olographe du 21 mai 1524. — Mus. Brit. Vespas., C. II, f. 320. Charles-Quint excitait aussi, en le flattant, Wolsey ; il lui écrivait de sa propre main : « Monsieur le légat, mon bon amy, j’ay par l’évesque de Badajoz entendu toutes les bonnes choses que le roy mon bon frère et vous lui avez dites touchant le bien de nos communes affaires, desquelles estes le principal conducteur et en qui en avons l’entière confidence, et de ma part me tiens bien votre tenu de la continuelle peine que pour icelles prenez. » — Lettre du 6 mai. Mus. Brit. Titus, B. I, f. 328.
  3. Instruction de Charles-Quint à son ambassadeur à Londres, mars 1524. — Mus. Brit. Vespas., C. II, f. 305.