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même temps, Bourbon envoya Beaurain devant la tour de Toulon, où étaient des pièces d’un plus fort calibre et un grand amas de poudre et de boulets. Beaurain par terre et Ugo de Moncada par mer devaient assiéger cette forteresse, que ne défendrait point la flotte française, chargée de protéger Marseille à l’ouest et de maintenir libre l’accès du port.

La suspension du feu et le cheminement des impériaux du côté des murailles menacées par la sape et la mine avertirent les Marseillais du nouveau danger auquel ils étaient exposés. On prit aussitôt les mesures les plus propres à y faire face. Deux édifices, l’un antique et vénéré, l’église de Saint-Cannat, l’autre vaste et agréable, la résidence de l’évêque, touchaient à la partie des murailles vers laquelle marchaient souterrainement les impériaux[1]. Ils furent abattus sans hésitation, comme l’avaient été les faubourgs et les maisons des champs des Marseillais, de peur que l’ennemi n’y parvînt et ne s’y logeât. Après avoir ainsi déblayé les remparts de ce qui pouvait mettre obstacle à la défense, Renzo da Ceri pratiqua au dedans comme au dehors des tranchées longitudinales très profondes qui devaient arrêter les travaux des assiégeans. En même temps il ouvrit dans cette direction des contre-mines. Tout le monde mit la main aux nouvelles tranchées ; les femmes elles-mêmes y travaillèrent avec une ardeur non moins patriotique qu’intéressée : elles se croyaient menacées des derniers outrages par Bourbon, aussi redouté qu’exécré dans Marseille, où on l’accusait de vouloir livrer les personnes à la brutalité comme les maisons au pillage de ses soldats, si la ville était prise de vive force. Les plus riches d’entre elles et les plus délicates, ainsi que les plus pauvres et les mieux endurcies à la fatigue, aidèrent à creuser, à déblayer, à fortifier ces tranchées, qui furent achevées en trois jours, et qui, en leur honneur, reçurent le nom de tranchées des dames[2]. Renzo da Ceri les rempara par de hautes levées de terre formant de larges parapets percés de meurtrières, et derrières lesquels étaient placés et abrités de nombreux et habiles tireurs. Ces moyens de défense s’étendaient du couvent de l’Observance et de la tour de Sainte-Paule à la porte d’Aix. Tout en se livrant à ces travaux, les assiégés, par de vives et fréquentes sorties, troublaient les impériaux dans

  1. « Quoy Voyant le capitaine Ransse et que les ennemys se préparoient merveilleusement pour batre et invader la ville et parce aussi qu’il sçavoit très bien qu’ils travailloient aux mines pour faire avec poudre choir les murailles, fit abastre et razer, à l’endroit desdits bolevards et remparts, la belle église de Saint-Cannat tout proche les murailles, en outre fit mettre à bas et démolir la grand maison de l’évesché qu’estoit une somptueuse maison de plaisance. » — Histoire mémorable, etc., d’après Thierri de l’Étoile. — Journal du Siège, etc., par Valbelle, à la date du 29 août.
  2. Cet emplacement conserve encore le nom de boulevard des Dames.