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était marquée sur leurs flancs, et non au milieu d’un convoi. En Crimée, à Balaclava, le commandement d’un chef non spécial occasionne de plus grands désastres encore, non parce qu’il empêche d’agir, mais parce qu’il provoque l’action hors de propos. À côté de ces tristes souvenirs se placent des combats où la cavalerie est réellement maîtresse d’elle-même. Et alors quelle fière attitude ! quels brillans résultats ! Je n’ai cité que deux exemples ; mais si l’on remontait plus loin dans le passé, vers les guerres du début de ce siècle, on en rencontrerait mille. La guerre de Crimée a semblé heureusement clore une période de funeste inaction pour la cavalerie française. Récemment, en Italie encore, si elle n’a pu que montrer son intrépidité sans porter des coups décisifs, on doit croire que la campagne, en se prolongeant, ne lui eût pas épargné les occasions de bien agir. Ce qui est désormais acquis, c’est que la tactique moderne entre dans une voie plus favorable à l’emploi actif de la cavalerie. Tous les écrivains militaires doivent se ranger à l’opinion du capitaine Nolan, formulée en quelques lignes qui sont la plus naturelle conclusion de ces pages. « Aujourd’hui, dit l’écrivain anglais, on ne recherche plus les plaines unies pour livrer bataille ; mais même dans les pays coupés la cavalerie doit appuyer les autres armes. » Quand l’utilité d’un corps est ainsi reconnue, il ne reste plus qu’à l’employer le plus efficacement possible. Or, pour atteindre ce but, il suffit de suivre l’exemple des grands capitaines qui avaient le bon sens de ne pas donner aux chefs de cavalerie l’ordre de l’action sans leur laisser en même temps la liberté des mouvemens.

Un fait considérable, en venant augmenter pour les chefs de cavalerie les difficultés du commandement, ajoute aussi une force nouvelle à l’opinion qui voudrait voir ces chefs investis de l’autorité nécessaire pour l’accomplissement d’une tâche spéciale. Ce fait, c’est la puissance croissante de l’artillerie, qui doit modifier si profondément la tactique en général, et le rôle de la cavalerie en particulier. À Solferino, la cavalerie autrichienne essaya vainement à deux reprises d’attaquer la cavalerie du général Desvaux ; les trouées énormes que notre artillerie faisait dans les escadrons ennemis à plus d’un quart de lieue les forcèrent à tourner bride. Des chefs de cavalerie consommés et livrés à eux-mêmes peuvent seuls déterminer la part et le rôle possible de leur arme en présence des nouveaux moyens de destruction. Beaucoup de personnes pensent, je le sais, que les terribles engins dont dispose aujourd’hui l’artillerie doivent nécessairement modifier, sinon annuler, le rôle de la cavalerie dans les luttes futures. S’il nous était permis de formuler une opinion, nous dirions que plus l’artillerie augmentera ses moyens de puissance, plus large et plus beau sera le rôle de la cavalerie, et cette