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ou 12,000 cavaliers, et à 6 ou 7,000 fantassins, La prise de Médéah était le but de la campagne.

Le 27 avril, l’armée passa la Chiffa. Elle marchait sur quatre colonnes. M. le duc d’Orléans formait l’avant-garde avec sa première division ; le prince royal avait l’ordre de se prolonger dans la direction de Bordj-el-Arba, de passer l’Oued-Ger et de prendre position à la tête du lac Alloula, de manière à déborder le bois des Karésas, dans lequel les autres colonnes devaient pénétrer. M. le duc d’Orléans quitta le camp à cinq heures du matin et arriva à la position indiquée sans avoir rencontré l’ennemi. Le colonel Lamoricière occupait l’extrême droite. Le général de Rumigny marchait au centre avec la 2e division. Le maréchal Valée, avec le reste et toute la cavalerie de France, marchait entre la 1re et la 2e division. Le beau temps était revenu ; le soldat était gai, plein d’ardeur ; un soleil éclatant faisait briller les armes et animait le paysage. Aucun Arabe n’avait encore paru dans la plaine, quand, vers quatre heures du soir, à la sortie du bois des Karésas, on signala la présence de l’ennemi. Toute la cavalerie du kalifat de Milianah, M’Barek, débouchait par la gorge de l’Oued-Ger, et se déployait parallèlement à notre flanc gauche. À la sortie du bois, des champs d’orge qui avaient déjà atteint une assez grande hauteur, ainsi que des champs de fèves où un homme à pied disparaissait complètement, s’offrirent à notre vue. Des compagnies de voltigeurs furent déployées en tirailleurs à travers ces moissons, et un feu très vif s’engagea entre nos soldats et la cavalerie arabe. Le vieux maréchal avait arrêté sa colonne, et des aides de camp couraient en tout sens porter des ordres. Il existe un moment pour le militaire, quand l’action va s’engager, où la tête lui pétille comme s’il avait bu un verre de Champagne. J’éprouvais alors une de ces émotions. J’aurais embrassé volontiers chacun de ces petits voltigeurs qui tantôt couraient, le dos voûté, le fusil prêt à faire feu, tantôt rampaient comme des chats, s’embusquaient comme des renards, tous, la figure radieuse, empreinte de cette joie enivrante que donne l’odeur de la poudre, dignes représentans de cette valeureuse infanterie française, type de bravoure et de gaieté.

Bientôt le canon, à la voix plus sévère, se mit de la partie, et des ordres ne tardèrent point d’arriver à nos colonels. Le nôtre était un vieux d’Afrique. Brillant cavalier, la figure ouverte, un cigare à la bouche, il se présenta sur le front de son régiment. « Deuxième régiment, nous dit le brave Korte, nous allons charger ; ne vous mettez pas plusieurs contre un seul : que chacun choisisse son homme ! Je compte sur vous. » Toutes nos poitrines se dilatèrent, l’heure de la cavalerie de France avait donc sonné ! Nos escadrons s’ébranlèrent comme une avalanche à travers ce pays, dont une grande partie est