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tiellement aléatoires, démentent souvent par des résultats contradictoires les prévisions qui paraissaient les plus probables. Il est donc bon pour les intérêts publics comme pour la morale privée que les choses changeant, le pouvoir change de mains, et qu’il passe de ceux qui ne pourraient plus l’exercer avec sagacité et avec honneur à ceux qui peuvent appliquer à des circonstances nouvelles la consistance de leurs doctrines et la concordance de leurs aptitudes. Même en face d’un adversaire triomphant commet M. Gladstone, il y a donc une belle place pour M. Disraeli, et nous comprenons les applaudissemens qui l’ont accueilli lorsque, opposant aux combinaisons financières de son heureux rival, les perspectives compliquées de la politique étrangère et rappelant que trop souvent celles-là ont été déjouées par celles-ci, il s’est écrié : « Cela ne prouve-t-il pas que d’autres qualités que celles d’un économiste sont nécessaires au gouvernement d’une nation ? »

La Hollande vit depuis quelque temps dans une assez grande perplexité. Ce n’est pas un trouble politique qui l’agite, c’est une préoccupation d’une autre sorte : elle se trouve placée entre le désir impatient de se donner enfin les voies ferrées qui lui manquent et la difficulté de se prononcer pour un système déterminé. Rien ne démontre mieux cette perplexité que les dernières délibérations des chambres où a été agitée cette terrible question des chemins de fer, qui tient tous les esprits en émoi, et qui a fini par conduire à une crise ministérielle. Le gouvernement, si l’on s’en souvient, avait son système ; il avait fait une concession provisoire embrassant des travaux nombreux et impliquant une dépense qu’on supposait devoir s’élever à 100 millions de florins. L’état intervenait dans l’exécution de ces travaux par une subvention fixe et par une garantie d’intérêt. Le gouvernement s’était surtout laissé guider par la nécessité de relier promptement la Hollande aux grandes lignes ferrées de l’Europe, et il ne croyait pas les sacrifices qu’il demandait au-dessus des ressources du pays en présence de l’état de prospérité du trésor. La seconde chambre des états-généraux a d’abord longuement discuté ce projet, et elle a fini par l’approuver. Une vive opposition cependant s’était manifestée, et la majorité favorable aux plans du gouvernement était à peine de quelques voix. Les ministres de l’intérieur et des finances, peu satisfaits de la faiblesse de cette majorité, se décidaient aussitôt à offrir leur démission au roi. Si cette crise du cabinet n’eut point de suites immédiates, c’est qu’on jugea plus prudent et plus simple d’attendre la discussion qui allait s’ouvrir dans la première chambre. Cette discussion a eu lieu ; elle a été longue et animée, et elle a fini par un vote qui repousse le projet ministériel à une majorité de trois voix.

Ainsi le plan du gouvernement, soutenu par une majorité très faible dans la seconde chambre, s’est trouvé rejeté par une majorité également peu nombreuse dans la première chambre. En présence de ce résultat, les ministres de l’intérieur et des finances n’ont point hésité cette fois à renouveler l’offre de leur démission. La première pensée du roi a été de confier