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des principes peut et quelquefois doit conduire à des appréciations différentes, il n’est pas nécessaire qu’il en résulte, lorsque l’honneur est sauf des deux parts, des conflits désastreux et si éloignés des intentions de la France et de l’Autriche, » cette phrase répétée dans la réponse de M. de Rechberg peut à bon droit être considérée comme un engagement pris par l’Autriche de ne point s’opposer par la force à l’établissement du système que la logique des faits réclame en Italie. Quel usage la France doit-elle faire de cette liberté d’action ? Quel usage en doivent faire aussi les Italiens ? Voilà, comme nous le disions en commençant, les deux questions pressantes du moment. C’est la première fois que ces questions se posent en vue d’une solution pratique immédiate et pour ainsi dire en tête à tête entre la France et l’Italie : c’est ce qui rend la circonstance présente critique et solennelle.

L’on assure que la France a déjà dit son mot sur la solution inévitable. Nous ne chercherons ni à le deviner ni à l’interpréter sur la foi de rumeurs plus ou moins accréditées. Nous aimons mieux étudier nous-mêmes avec indépendance quelles sont pour la France et pour l’Italie les conditions d’une bonne solution.

Le principe général qui doit nous diriger dans l’appui et la sanction que la France doit donner à la nouvelle constitution de l’Italie nous semble avoir été exprimé avec bonheur dans le passage suivant de la dépêche de M. Thouvenel à M. de Moustiers : « L’Italie, pendant des siècles, a été un champ ouvert à une lutte d’influence entre la France et l’Autriche ; c’est ce champ qu’il faut à jamais fermer. Si l’une des deux puissances anciennement rivales faisait un sacrifice qui dût profiter directement à l’autre, si la domination de l’Italie, changeant seulement de mains, devait encore nous appartenir pour un temps, la question se présenterait sous un aspect qui rendrait la discussion oiseuse et stérile. Ce n’est pas ainsi que le débat est posé. La France ne cherche pas à se substituer à l’Autriche en Italie, c’est l’Italie elle-même qu’il s’agit de constituer comme un intermédiaire, comme une sorte de terrain désormais impénétrable à l’action, tour à tour prédominante et toujours précaire, de l’une ou de l’autre des deux puissances. »

C’est bien cet intermédiaire impénétrable à la fois à la France et à l’Autriche qu’il s’agit d’établir en Italie. En d’autres termes, il faut assurer l’indépendance de l’Italie, c’est-à-dire y constituer un système assez fort pour suffire à la défense de sa propre indépendance. Des esprits excessifs pourraient avancer que l’objet qui a été si heureusement défini par M. le ministre des affaires étrangères ne sera atteint que lorsque l’Italie n’aura plus rien à réclamer de l’Autriche pour réaliser l’intégrité de sa nationalité. Nous n’irons pas aussi loin ; nous ne songeons pas à interdire aux Italiens, — ce serait contraire à la nature des choses, à la nature humaine et à l’équité, — d’aspirer à recouvrer un jour les provinces et les populations italiennes qui sont encore en la possession de l’Autriche : nous reconnaissons aux Italiens