Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consiste en une fort belle phrase qui appartient à Weber. Produite d’abord par les instrumens à cordes et répétée par les voix de soprano du chœur, cette phrase, bien rhythmée, se prolonge indéfiniment, et ce mélange de voix et d’instrumens divers où dominent les instrumens de cuivre produit un effet saisissant, mais qui doit perdre beaucoup à être séparé de l’action de la scène, qui en explique l’à-propos. Ce morceau remarquable, que tout le monde a compris immédiatement et sans commentaire, prouve que lorsque la musique reste fidèle à ses propres lois, le compositeur atteint le but élevé qu’il se propose, et alors l’oreille est aussi satisfaite que l’esprit. L’introduction du troisième acte du Tannhauser, avec un chœur de pèlerins, est venue après la marche et le chœur du même ouvrage que nous venons d’analyser. « Dès le commencement du morceau, on entend le chant pieux de la troupe fidèle qui se rend à Rome pour assister à la fête du jubilé. Tannhauser ne s’unit pas au chœur, il marche seul, recherchant les sentiers difficiles… Soudain la ville éternelle apparaît aux yeux des voyageurs. » Sur ce texte, qui résume la scène du libretto de M. Wagner, le compositeur a placé une phrase assez bien venue que proposent encore les instrumens à cordes, surtout les violons, et que reproduisent les instrumens à vent, particulièrement les instrumens de cuivre. Après cette opposition grossière, qui est familière à M. Wagner, creuse antithèse qui dispense d’avoir une idée, on ne perçoit plus qu’une confusion de sonorités étranges, d’accords péniblement cherchés, qu’un gaspillage de couleurs sans un dessin qui les supporte et oriente l’oreille éperdue, et l’on assiste à un immense effort de la volonté dépourvue de grâce, qui n’aboutit qu’au néant. À l’apparition du chœur, qui joint ses lamentations monotones aux clameurs de l’orchestre, l’effet devient un peu plus saisissable, pour retomber de nouveau dans un véritable chaos. Il est difficile de rien entendre de plus monstrueux. Quant à l’ouverture du Tannhauser, que nous connaissons depuis longtemps, et que les admirateurs de M. Wagner voudraient faire passer pour un chef-d’œuvre, c’est une vaste machine de musique symbolique et pittoresque, mal bâtie et d’une longueur désespérante, dont il n’y a guère à louer que le commencement et la péroraison, qui produit un effet d’autant plus énergique, que la confusion et l’impuissance du musicien ont duré plus longtemps. L’oreille, avide d’ordre et de lumière, saisit avec empressement l’occasion d’échapper au tourment qu’on lui a infligé pendant cinq minutes que dure l’exécution de ce rare morceau. Au second concert, on a ajouté au programme de la première partie une sorte de mélopée pour une voix d’homme, Étoile du soir, qui appartient à la partition du Tannhauser, et dont la couleur prétentieusement archaïque ne vaut pas la plus simple romance française. Ce chant monotone et baroque est précédé et suivi d’une ritournelle puérile qui vise à la profondeur mystique, et ne fait point honneur à l’imagination du musicien.

La seconde partie du programme a commencé par un prélude et l’introduction