Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu d’attaquer le Milanais avec une impétuosité qui aurait été irrésistible, ayant agi avec une circonspection qu’il croyait savante et qui n’était qu’inhabile, était bien vite arrivé au terme de ses succès. Le corps d’armée qu’il avait envoyé devant Crémone ne parvint pas à s’en rendre maître[1]. Il le rappela dans son ancienne position de Monza, afin de resserrer le blocus de Milan, qu’il espérait toujours contraindre à se rendre. Il pressait cette grande ville de tous les côtés. Il avait fermé les diverses routes par lesquelles des vivres pouvaient y être portés. Ses garnisons à Abbiate-Grasso et à Vigevano sur le Tessin, le corps de Bayard et de Renzo da Ceri à Monza, la troupe de Federico da Bozzolo à Lodi, le reste de son armée campé au sud vers Binasco, interceptaient les communications avec Milan dans les quatre principales directions. Ses chevaux parcouraient l’intervalle qui le séparait de la ville bloquée. Il attendit dans cette position que l’armée ennemie, qu’on ne payait point, se dispersât et que la ville de Milan, où l’on fut réduit pendant une semaine à manger de l’avoine et de l’orge, se décidât à capituler ; mais les rigueurs du blocus n’y abattirent point le courage des habitans, et l’irrégularité de la paie n’y amena point la dispersion de l’armée. On fabriqua des moulins à bras pour moudre le blé qui abondait dans la ville et l’on fit de fréquentes sorties. Bientôt même les manœuvres habiles des confédérés et les rigueurs inaccoutumées d’un hiver qui couvrit de neige les campagnes de la Lombardie ne permirent pas à Bonnivet de se maintenir autour de Milan. La garnison espagnole de Pavie, renforcée par les troupes pontificales que commandait le marquis de Mantoue, fit des incursions vers les derrières de son camp et les poussa jusqu’au Tessin. Bonnivet craignit de perdre les ponts qu’il avait sur cette rivière, par où les subsistances lui venaient des riches contrées de la Lomelline et du Novarais. Afin de les mettre à l’abri d’une surprise ou d’une destruction qui l’aurait exposé lui-même à ce dont il menaçait Milan, il donna l’ordre à Bayard et à Renzo da Ceri de quitter Monza et de se porter à Abbiate-Grasso pour y garder le cours du Tessin et les ponts qu’il y avait jetés. Le corps qui fermait la Lombardie supérieure ayant abandonné Monza, Prospero Colonna occupa cette forte position, et les Milanais reçurent des vivres en abondance par la route ouverte du mont de Brianza. L’amiral, réduit à dégager au nord la ville qu’il tenait bloquée depuis un mois et demi afin de protéger à l’ouest sa propre ligne d’opérations, ne fut pas plus en mesure de l’avoir par famine qu’il n’avait su la prendre de vive force[2].

  1. Du Bellay, Mémoires, p. 420 et 430.
  2. Galeazzo Capella, lib, III. — Du Bellay, t XVII, p. 439 à 443.