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l’homme lui-même. Depuis longtemps les médecins ont placé l’encombrement, l’agglomération d’un grand nombre d’individus au nombre des causes les plus propres à accroître la mortalité. Il en est exactement de même chez nos insectes. En temps normal, toutes choses égales d’ailleurs, dans une chambrée moyenne de 250 à 300 grammes de graine, il meurt au moins un dixième de vers de plus que dans une petite chambrée de 25 à 50 grammes. En temps d’épidémie, on comprend combien cette différence doit être plus marquée.

L’impossibilité du grainage indigène n’existe, à proprement parler, que pour les éducations industrielles. En réduisant considérablement le nombre des vers, en les élevant d’une manière strictement hygiénique, souvent en leur épargnant des soins plus dangereux qu’utiles, on peut parfaitement obtenir de la bonne graine jusque dans les localités les plus violemment frappées par le fléau. C’est là ce que démontrent bien des faits recueillis par la commission de l’Académie des Sciences ; c’est là ce que mettent hors de doute les expériences si concluantes de Mme de Lapeyrouse (du Vigan). Ses vers, élevés à la turque, sur des rameaux, presque sans feu, ont admirablement prospéré en 1858 ; la graine pondue par ses papillons a parfaitement réussi en 1859, soit chez elle, soit chez les sériciculteurs qui se l’étaient partagée. Les vers hâtifs provenant de la graine obtenue dans cette dernière éducation ont permis de faire, en été et en automne, deux petites récoltes successives, qui garantissent un nouveau succès pour 1860. Que les éducateurs suivent donc l’exemple de Mme de Lapeyrouse, que chacun d’eux fasse sa très petite éducation de cinq à dix grammes au plus, exclusivement consacrée à la production des œufs ; ils pourront se passer des marchands de graine. — Je donne ce conseil avec d’autant plus de confiance que l’épidémie semble enfin perdre de sa force. Dans ma campagne de 1859, j’ai constaté des signes marqués d’amélioration relativement à 1858, et cela aux environs d’Avignon et à Cavaillon aussi bien que sur certains points des Cévennes et de l’Ardèche. Le mal paraît donc diminuer là même où il a pris naissance, et où par conséquent l’ensemble des conditions se prête le plus à son développement. On peut d’autant mieux espérer qu’il ne tardera pas à fléchir sérieusement là où il n’a été qu’importé, où les conditions générales sont manifestement meilleures. Les éleveurs de petites éducations auront donc certainement sous peu, et sans doute dès cette année, un grand avantage sur Mme de Lapeyrouse, qui opérait en 1858, au plus fort de l’épidémie.

Quant aux règles à suivre dans ces éducations, et que j’ai formulées dans un rapport spécial, elles résultent tout autant de la pratique