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bien en général le nom de lectures, étant plus souvent écrites qu’improvisées, surtout dans les matières scientifiques. Trois jours y étaient consacrés par semaine ; deux autres jours étaient donnés aux examens. Ces examens étaient obligatoires ou facultatifs. L’obligatoire revenait rarement, de façon cependant que chaque élève eût été interrogé au moins une fois dans le cours de chaque session. L’examen facultatif, plus animé, plus instructif, plus approfondi, portait non-seulement sur le sujet des dernières leçons, mais sur toutes les matières qui s’y rattachaient. Ainsi toutes les questions de la philosophie étaient passées en revue d’une manière vive et intéressante dans un dialogue où le professeur ne craignait pas d’intervenir et de compléter les généralités de son cours écrit. La composition n’était pas négligée, et les essais des jeunes disciples subissaient l’épreuve de la lecture publique et de la critique du maître.

M. Baynes, qui a été un de ses plus éminens élèves, qui a même le premier fait connaître ses nouveautés en logique par un remarquable Essai sur la nouvelle Analytique (1846), a retracé de la manière la plus animée les souvenirs d’un enseignement qui fut pour lui une initiation. Il a pris l’étudiant à son arrivée dans Edimbourg, et, avec tous les détails pittoresques qui auraient amusé Walter Scott, il l’a conduit par les antiques rues de la cité jusque dans la salle enfumée où se lisait au-dessus de la chaire une inscription grecque et cette devise dont Hamilton a fait l’épigraphe de son édition de Reid : « Sur la terre, rien n’est grand que l’homme. Dans l’homme, rien n’est grand que l’esprit. » Là, au milieu d’un assez bon nombre d’auditeurs de tout âge et de conditions diverses, mais où domine la jeunesse, il a représenté le professeur montant en chaire et frappant aussitôt les regards par sa dignité naturelle et l’air de commandement de toute sa personne. Sa tête était forte, son front large, ses sourcils marqués et rapprochés, et toute sa figure, régulière suivant le type romain, était animée, par ses yeux noirs, d’une expression calme et pénétrante. La science se peignait dans son regard. Dès qu’il commençait à lire, le son de sa voix répondait à tout ce qu’annonçait sa physionomie, et sa parole, sa pensée tenaient tout ce que promettait sa voix. Ici j’affaiblirais l’impression que veut produire M. Baynes, si j’essayais d’analyser sa vive description de tous les effets de ce noble enseignement sur des esprits neufs qui s’ouvraient au jour de la vérité. Les développemens qu’il donne à ses souvenirs étonneraient ceux qui n’en ont point de semblables. Pour rendre ces impressions, les plus fortes peut-être qu’il ait reçues, son talent s’anime à ce point que des indifférens pourraient le soupçonner de trop céder à l’imagination et de faire