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le contingent pécuniaire auquel ils étaient tenus pour la défense commune ; enfin le trépas d’Adrien VI, chef récent de la ligue italienne contre la France, mort le jour même où Bonnivet avait passé le Tessin, plaçaient les impériaux dans une situation fort périlleuse. Réduits en nombre, privés de subsides, n’occupant plus que quelques points du territoire lombard, pressés à Milan par la faim, menacés d’un assaut à Crémone, ils ne paraissaient point pouvoir tenir longtemps encore dans la Haute-Italie. Bonnivet espérait que, faute de vivres, Milan se rendrait, et que, faute d’argent, l’armée impériale se dissoudrait. La nomination du pape futur devait être d’une grande influence sur l’issue de la lutte en Lombardie et la rendre favorable à Charles-Quint ou à François Ier, selon les dispositions politiques du souverain pontife qui serait élu et le temps qu’on mettrait à l’élire.

Le pape Adrien VI était mort le 14 septembre. Il était tombé malade le 5 août, en célébrant la grande alliance de toute la péninsule, dans laquelle il avait été entraîné avec les Vénitiens par l’empereur et par le roi d’Angleterre. Il assista à cette fatigante cérémonie où fut prononcé contre les Français un long discours dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, au milieu d’une accablante chaleur. Il en sortit comme épuisé, et alla prendre son repas dans l’église de Saint-Martin, où il se sentit mal. Une inflammation des plus dangereuses, accompagnée d’une forte fièvre[1], le saisit d’abord à la gorge, et pendant plusieurs jours l’empêcha d’avaler et presque de respirer. Cette inflammation se porta successivement sur diverses parties de son corps, et amena une décomposition précipitée, à laquelle il succomba après de cruelles souffrances. Il périt en quelque sorte de la difficile résolution qu’il avait prise en rompant la paix avec le roi très chrétien. Les longues agitations qu’il avait éprouvées avant de s’y décider le livrèrent ébranlé, et comme sans résistance, à la maladie qui fondit sur lui le jour même où il fit sa déclaration solennelle.

L’ancien professeur de Louvain n’était pas un politique. Bien qu’il eût été précepteur de Charles-Quint et régent d’Espagne, il n’avait pas appris, ce qui ne s’enseigne point, l’art difficile de conduire les hommes et d’exercer l’autorité. Il manquait de caractère. Circonspect jusqu’à la plus irrémédiable indécision, défiant sans être rusé, timide et faible, il avait porté une simplicité extrême, Une piété profonde, une incapacité troublée au milieu de ces astucieux politiques italiens, accoutumés à ne se diriger que par la vue de l’intérêt particulier ou par des maximes d’état. Ce qui avait fait défaut au

  1. Pauli Jovii Vita Hadriani VI, cap. XVI. Gérard. Moringi Vita Hadriani, c. XXV, p. 76, dans Burmann.