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ques, de drapeaux, de guirlandes, de clochettes, l’or, les diamans, les cristaux, les émeraudes. Une voix sort de cette splendide demeure pour louer Bhagavat du soutra qu’il développe. C’est la voix d’un Tathâgata ou. Bouddha antérieur, appelé Prabhoûtaratna, qui vient offrir ses hommages à son successeur. Le Bouddha vivant, pour honorer son illustre visiteur, réunit des centaines de mille, de millions, de myriades de kotis (le koti vaut dix millions), de Bodhisattvas, puis avec l’index de sa main droite il sépare le stoupa par le milieu. Alors apparaît le Tathâgata Prabhoûtaratna, assis sur son siège, les jambes croisées et tout desséché, sans que son corps ait diminué de volume. Apparemment il est plongé dans le repos du nirvâna, puisqu’il a tenu sa place, comme le nom de Tathâgata l’indique, dans la série des Bouddhas, et que sa mission est achevée. Cependant il sort de son extase pour combler son successeur d’éloges et l’engager à venir s’asseoir à côté de lui dans le stoupa. Donc il n’est pas anéanti, et, bien que plongé dans le nirvâna, il subsiste encore.

On voit que peu de siècles après la mort de Çâkyamouni la bizarrerie semble être devenue un des caractères des ouvrages qui renfermaient l’essence de ses doctrines, et que les débordemens d’une imagination maladive s’y sont substitués au raisonnement sur lequel le Bouddha, avec l’enchaînement des causes et les vérités sublimes, prétendait poser les bases de sa religion. Il nous reste à montrer, par l’état présent du bouddhisme, combien les résultats auxquels cette religion est venue aboutir sont différens de ceux que poursuivait le législateur.


II.

Suivant un ouvrage chinois composé au VIIe siècle de notre ère, le roi du Magadha, Bimbisâra, qui fut un des plus zélés protecteurs de Çâkyamouni, vit en songe une pièce de coton et un bâton d’or qui se divisèrent à ses yeux en dix-huit parties. Il interrogea le Bouddha, qui lui dit : « Cent ans après que j’aurai quitté ce monde, il y aura un roi qui étendra sa puissance sur le Djamboudvîpa. À cette époque, la doctrine des Bhikchous se divisera en dix-huit parties et donnera naissance à autant d’écoles qui, par des voies différentes, tendront toutes au nirvâna. Ce que vous avez vu en songe en est le premier présage, ne vous en affligez pas, ô roi ! » M. Stanislas Julien, qui a recueilli cette anecdote, y joint, d’après trois ouvrages chinois[1], traduits eux-mêmes de la langue indienne, la liste de ces dix-huit écoles schismatiques qui ont bien réellement existé.

  1. Journal asiatique, octobre, novembre 1859.