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sont une des gloires de notre époque. Il y a trente ans, un homme qui, entre tous, a bien mérité de la science historique, M. Hodgson, résident de la compagnie des Indes au Népal, entr’ouvrait le premier les trésors de la littérature bouddhique, et parvenait à se procurer quatre cents volumes sanscrits et thibétains qu’il distribuait aux sociétés asiatiques de Calcutta, de Londres et de Paris. Vers le même temps, sur la foi d’une tradition et séduit par des rapports de noms, un jeune Hongrois, Csoma de Körös, s’en allait chercher vers l’Himalaya le berceau de sa nation. Pendant plusieurs années, il s’enferma dans un monastère du Thibet, et sa mort seule interrompit les immenses travaux qu’il avait entrepris. Il ne décida point avant de mourir à quelle patrie avaient appartenu ses ancêtres, mais ses travaux servirent à contrôler et à compléter les ouvrages découverts par M. Hodgson. Nombre de savans s’engagèrent dans la voie qui venait d’être ouverte, et bientôt, grâce à l’émulation de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne, au zèle infatigable de MM. Turnour, Prinsep, Max Müller, de nos sinologues Abel Rémusat et Stanislas Julien, le corps des doctrines bouddhiques put être extrait à la fois d’ouvrages sanscrits, chinois, thibétains, et même d’inscriptions recueillies sur les bords du Gange, dans la région qui fut la terre sainte du bouddhisme.

C’est alors que le législateur de cette religion si remarquable par la force d’expansion qu’elle a possédée en Orient commença à être vraiment connu. Depuis le moment où M. Eugène Burnouf se fit en France le révélateur des doctrines de Çâkyamouni, le sentiment de curiosité éveillé par l’admirable ouvrage qui accompagne la traduction du Lotus de la bonne loi ne s’est pas ralenti : M. Foucaux a traduit le Lalitavistâra, biographie légendaire du législateur. Un des hommes qui ont étudié l’Inde avec le plus de charme et de profit, M. Pavie, faisait connaître aux lecteurs mêmes de la Revue le bouddhisme sous un de ses plus curieux aspects, dans l’île de Ceylan[1]. Le savant professeur qui tient au Collège de France la chaire d’histoire, M. Guigniaut, a choisi le bouddhisme pour en faire l’objet de ses leçons. Enfin un disciple de Burnouf à qui l’importance de ses travaux donne une légitime autorité vient de réunir et de condenser les dernières notions acquises par la science sur le Bouddha et sur sa religion.

Quand on contemple ce grand mouvement de migrations et de mélanges qui est un des signes du XIXe siècle, on est tenté »de se demander si le bouddhisme, qui a tenu et qui tient une si grande place dans le monde, a terminé son rôle, et s’il n’est pas destiné encore

  1. Voyez la livraison du 1er janvier 1854.