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la guerre ; ils s’y portaient assez d’eux-mêmes, et firent les préparatifs d’une campagne plus forte et mieux concertée que la précédente. Don Gonzalès fut rappelé, et à sa place on envoya, comme gouverneur de Milan et commandant en chef de toutes les troupes espagnoles, l’un des plus grands capitaines du commencement du XVIIIe siècle, le digne rival de Maurice de Nassau, le conquérant d’Ostende et de Bréda, le profond et habile marquis de Spinola. De son côté, l’empereur rassembla une puissante armée et mit à sa tête le comte de Collalto, en lui donnant pour lieutenans deux généraux renommés, Aldringer et Galas. L’avant-garde de cette armée, commandée par le comte de Mérode, viola audacieusement la neutralité suisse et força le passage des Grisons. Voilà les formidables ennemis que le duc de Savoie déchaînait sur l’Italie pour satisfaire ses ressentimens contre la France et son aventureuse ambition.

À ce grand appareil de guerre, l’Autriche et l’Espagne ajoutèrent une manœuvre qui aurait pu réussir si elle n’eût pas trahi une mauvaise foi trop évidente, et si Richelieu n’eût été là pour la démasquer. Redoutant l’influence morale du pape et les efforts qu’il allait faire pour arrêter l’inique invasion qui se préparait, l’empereur s’appliqua à faire revivre contre le chef de la chrétienté la vieille accusation de se mêler de politique et des choses temporelles, au lieu de passer doucement sa vie à prier Dieu dans ce couvent privilégié appelé la ville de Rome. L’Espagne, qui se disait si fort catholique, trouva fort bonne cette étrange accusation ; elle aussi se mit à flatter les passions protestantes, et commença à parler de réformer l’église et la papauté[1].

À ces bruits de guerre, Venise et Mantoue, directement menacées, prirent l’épouvante, et, au nom du traité de Suze, réclamèrent le secours de la France. Urbain VIII s’émut aussi, il avait le cœur trop italien pour ne pas repousser la domination espagnole et impériale ; mais il n’était pas sans crainte sur le puissant allié dont il avait besoin : il ne voulait de la France en Italie que pour en chasser les Autrichiens et les Espagnols, et le véritable but qu’il poursuivait était une paix générale qui délivrât la malheureuse Italie de ses conquérans et de ses libérateurs. Pour donner plus de force à son intervention, il résolut de former une grande ambassade à la tête de laquelle il mit un de ses neveux, Antoine Barberini, comme cardinal-légat. Sous lui était, en qualité de nonce apostolique, Panci-role, depuis cardinal en 1643 et secrétaire d’état sous Innocent X. Il leur adjoignit, avec le titre de secrétaire de légation, Mazarin, que

  1. Richelieu, ibid., p. 232 : « Les Espagnols commencement à parler de réformer l’église et le pape, qui ne pensoit, disoient-ils, qu’à s’enrichir, lever des armées et fortifier des places, au lieu que sa charge est de prier Dieu ? »