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les intentions de son maître. Le duc ne se piquait pas plus de fidélité envers l’Espagne qu’il n’en avait montré envers la France, et il proposait nettement d’abandonner ses alliés de la veille, si les nouveaux lui voulaient assurer les mêmes avantages, c’est-à-dire lui reconnaître toute la partie du Montferrat dont il s’était emparé. Richelieu répondit que le roi de France n’était pas libéral du bien d’autrui, qu’il était venu secourir le duc de Mantoue et non pas le dépouiller, et, rompant la conférence, il donna l’ordre à l’armée de franchir le Mont-Genèvre. Il était presque toujours à cheval à côté du roi, veillant à tout, faisant tous les métiers, général, négociateur, intendant militaire. On avait inventé des machines pour transporter le canon sur les montagnes ; on portait à dos de mulet la poudre et le plomb, et les boulets dans des hottes. Il fallait passer par un étroit défilé appelé le Pas-de-Suze, que défendaient des retranchemens formidables. Le 6 mars 1629, l’attaque commença. Louis XIII marchait lui-même à la tête de ses gardes, derrière les enfans perdus et les volontaires, parmi lesquels on voyait les plus grands seigneurs, le duc de Longueville, le comte de Soissons, le comte d’Harcourt, le marquis de Maillé-Brézé, qui avait épousé une sœur de Richelieu, et un autre de ses parens, La Meilleraie, depuis maréchal et grand-maître de l’artillerie. Enflammés par l’exemple de leur roi, les maréchaux de service, Créquy, Schomberg et Bassompierre, se précipitèrent comme de simples soldats sur les barricades. Charles-Emmanuel et Victor-Amédée se battirent avec la bravoure de leur pays et de leur race ; mais rien ne tint devant la furie française : le Pas-de-Suze fut forcé, le duc de Savoie lui-même manqua d’être fait prisonnier par le comte de Tréville, lieutenant des mousquetaires, et le lendemain la ville de Suze apporta ses clés. Le 11 mars, le prince de Piémont et Richelieu y signèrent un traité par lequel le duc de Savoie renonçait à l’alliance de l’empire et de l’Espagne, et s’engageait même à secourir Casal, s’il le fallait. En retour, on ne retirait point les propositions si avantageuses offertes par le duc de Mantoue au début de la guerre : on cédait au Piémont la ville de Trino à perpétuité, avec 15,000 écus d’or de rente en fonds de terre. La France ne demandait pas même une bicoque en Italie pour s’indemniser de ses sacrifices ; elle mettait seulement garnison dans la ville et la citadelle de Suze jusqu’à ce que le traité eût reçu sa pleine et entière exécution. En même temps, un corps de l’armée française s’avançait pour délivrer Casal. À son approche, dans la nuit du 15 au 16 mars, don Gonzalès levait le siège et se retirait à Milan, et le comte de Toiras, un des héros de La Rochelle, relevait Guron dans le commandement de la place. Le.19 avril, un second traité, annexé au premier, formait une sorte de confédération italienne,