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ESSAIS ET NOTICES
TRADITIONS POPULAIRES DE L'ISLANDE.


Isländische Volkssagen der Gegenwart, vorwiegend nach mündlicher Ueberlieferung gesammelt und verdeutscht, von Dr Konrad Maurer, Leipzig, 1860.


On sait avec quelle ardeur, dans son active enquête des élémens d’une histoire philosophique de l’esprit humain, l’Allemagne recherche et publie en d’innombrables volumes les légendes, les traditions, les chants et usages de tous les peuples. Il n’est pas en ce moment de province ni de vallée allemande, si petite qu’elle soit, qui n’ait été l’objet d’une pareille étude, et parmi les nations voisines de l’Allemagne proprement dite sur qui semblable examen a été fait, celles que lui désignait une communauté d’origine ont d’abord attiré et retenu son attention. C’est ainsi que, dans les derniers temps, les publications germaniques sur les chants et légendes des Slaves et des Scandinaves se sont multipliées, soit que des interprètes comme les Grimm, comme MM. Kuhn, Mannhardt et Simrock, rendissent compte de quelque mythe commun à toute une race, soit que des recueils comme la Revue mythologique, fondée par M. J.-W. Wolf, s’appliquassent à fixer enfin par l’imprimerie ce que la tradition orale avait seule transmis jusqu’à nous.

L’Islande ne pouvait échapper à cette recherche, elle qui joue un si grand rôle dans l’histoire générale de la race Scandinave. L’Islande, république florissante de 874 à 1264, a été pendant ces quatre siècles l’asile des institutions, des idées, des traditions et des mœurs Scandinaves. Sa langue, dans laquelle on a voulu, par des conjectures téméraires, retrouver le vieil idiome celtique, semble avoir été la langue primitive de tous les peuples de l’extrême Nord, qui l’ont parlée certainement jusqu’au XIVe siècle. Elle est restée ensuite langue savante, et après avoir servi à écrire les monumens législatifs, historiques et poétiques de ces peuples, elle s’est pliée à la traduction de nos poèmes français du XIIe et du XIIIe siècle, qu’on retrouvera sous cette étrange enveloppe comme on retrouve Aristote sous la poussière des manuscrits arabes. Elle vit encore aujourd’hui, si bien qu’un paysan islandais comprend sans étude le style des anciennes sagas, difficilement intelligibles à tout le reste du Nord. On peut dire sans paradoxe que l’Islande a été l’un des berceaux de la civilisation moderne : nous espérons le démontrer prochainement ; il ne s’agit aujourd’hui que d’une récente publication de M. Konrad Maurer qui se rapporte à ce sujet d’étude et qui nous paraît très digne d’une attention particulière.

M. K. Maurer, professeur de droit germanique à la haute école de Munich, est un des plus zélés parmi les savans allemands qui étudient avec ardeur