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tations, qui atteignent aujourd’hui deux milliards, se compose de produits manufacturés. Nous exportons pour 200 millions de tissus de laine, pour 75 millions de tissus de coton, pour 100 millions de tabletterie, pour 100 millions de peaux ouvrées, pour 70 millions de vêtemens, pour 30 millions de poteries et de cristaux, etc. Puisque nous soutenons la concurrence à l’étranger, malgré les droits d’entrée et les frais de transport, nous la soutiendrons bien chez nous sans tous ces frais. Le traité conserve d’ailleurs un droit protecteur de 25 à 30 pour 100, qui suffit et au-delà. En Algérie, les prohibitions sont déjà supprimées et remplacées par le même droit, et il n’entre presque pas de marchandises étrangères. Il en sera de même en France, on peut y compter.

Un seul article fait question, c’est le fer. Les fers étrangers ne sont pas précisément prohibés, mais ils sont encore frappés, après des réductions successives, d’un droit de 12 francs par quintal métrique, à peu près prohibitif. Le traité de commerce réduit les droits sur le fer de provenance anglaise à 7 francs jusqu’au 1er octobre 1864, et à 6 francs à partir de cette époque, tous décimes compris. Dans le cours ordinaire des choses, ces droits suffiraient pour sauvegarder la production nationale; mais on ne peut se dissimuler que la réduction arrive dans un moment inopportun. C’est en 1853 et 1854, quand le prix des fers français avait dépassé toutes les bornes, qu’il fallait réduire les droits; en abaissant d’un tiers au moins le prix des rails, on aurait rendu moins coûteuse l’exécution des chemins de fer, et, ce qui n’aurait pas eu moins d’à-propos, on aurait évité de donner à nos forges des bénéfices excessifs et temporaires, qui ne pouvaient pas se soutenir. Aujourd’hui la consommation s’étant fortement réduite par la crise commerciale qui a suivi les guerres d’Orient et d’Italie, le prix des fers a baissé, et à la prospérité artificielle des années précédentes a succédé pour les forges un état de malaise et de souffrance que le traité avec l’Angleterre vient aggraver.

Un des plus grands inconvéniens du système protecteur, c’est de créer pour les industries protégées une sorte de droit acquis, qui ne permet pas de les livrer tout à coup aux hasards de la concurrence après les avoir habituées à un autre régime. Sans aucun doute, si la protection n’avait jamais existé, nos forges seraient aujourd’hui beaucoup plus prospères, comme toutes les industries dont le fer est la matière première. Fondées dans des conditions naturelles que rien ne pourrait ébranler, exercées, fortifiées par un régime de liberté, favorisées par un plus grand nombre de communications perfectionnées, dont le fer à meilleur marché aurait facilité l’établissement, elles auraient traversé depuis longtemps la période débile