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protecteurs ont disparu depuis longtemps. Le droit actuel varie, comme on sait, suivant les zones : il est de 10 centimes sur la frontière d’Allemagne, de 15 sur celle de Belgique, de 30 sur la côte de l’Océan qui fait face à l’Angleterre, plus les deux décimes de guerre. Le droit sur les houilles anglaises est réduit par le traité au même taux que sur les houilles belges, c’est-à-dire à 15 centimes. Le prix de la houille est avant tout une question de transport. Le quintal métrique, qui vaut en moyenne 1 franc sur le carreau de la mine, se vend 2 francs, 3 francs, 4 francs, 5 francs, et même 6 francs aux consommateurs, suivant qu’ils sont plus ou moins éloignés du lieu de production. Que peut faire sur ces prix une différence de 15 centimes, portée à 18 par le double décime? Il suffit d’une distance de quelques lieues pour grever la houille de frais de transport équivalens, surtout quand une partie, même très faible, du trajet se fait par les routes de terre.

Quelques journaux ont avancé que le droit actuel sur les houilles anglaises était prohibitif. Voici qui prouve le contraire : l’introduction des houilles anglaises n’a pas atteint en 1859 moins de 12 millions de quintaux métriques, et elle aurait certainement continué son mouvement ascensionnel sous l’empire du droit existant. Cette importation va sans doute s’accroître encore par la réduction du droit; tant mieux, nous en avons grand besoin. Les houilles belges entraient au même droit; elles ne suffisent plus. Les houilles françaises, quels que soient leurs progrès, peuvent de moins en moins alimenter la consommation nationale. Depuis 1815, la consommation totale de la houille a décuplé en France; elle s’est élevée de 12 millions de quintaux à 120, La houille française en fournissait les trois quarts en 1815, ou 9 millions de quintaux sur 12; elle n’en fournit plus aujourd’hui que les sept douzièmes, ou 70 millions sur 120. Suivant toute apparence, la consommation doit quintupler au moins d’ici à la fin du siècle, et il y a place pour tout le monde dans cet immense débouché. La houille servant à transporter la houille, notre production houillère elle-même est intéressée à tout ce qui peut réduire les prix et par conséquent les frais de transport.

Le nouveau régime ne peut donc avoir aucun effet sur le prix des matières premières, excepté le coton et la houille, et même, pour ces deux articles, l’amélioration sera peu sensible. Les défenseurs de la liberté commerciale n’ont pas tout à fait perdu leur temps jusqu’ici, puisqu’ils sont arrivés à faire réduire les droits sur les matières premières à des taux insignifians. La presque totalité de nos importations, qui atteignent aujourd’hui deux milliards, se compose de matières premières : à quoi il convient d’ajouter que la franchise absolue de tout droit, même pour les matières premières,